Toulouse, le 22 mars 2002

Explosion de l’usine AZF de Toulouse

Six mois après la catastrophe, il apparaît qu’aucune explication satisfaisante n’a pu être avancée par les autorités compétentes en ce qui concerne la cause de l’explosion qui a détruit l’unité de production et de conditionnement des ammonitrates sur le site de l’usine AZF de Toulouse.

Lesdites " autorités ", après s’être fourvoyées dans une première tentative d’explication qui a dû être abandonnée, persiste à vouloir trouver la cause de l’explosion dans une réaction purement chimique. Or, une telle hypothèse ne permet pas de comprendre toute une série de témoignages qui ont été écartés par les enquêteurs mais qui n’en demeurent pas moins crédibles.

Parmi ces témoignages, ceux de plusieurs témoins qui ont vu des " éclairs " ou des " flash " quelques instants avant l’explosion. Selon l’un de ces témoins, ces éclairs se seraient produits au raz du sol ou le long de certaines structures en se propageant dans une direction bien précise (nord-ouest). Il faut aussi considérer les chocs électriques qui ont été ressentis, juste avant la déflagration, par plusieurs personnes travaillant sur le site A ZF ainsi que les incidents informatiques qui ont précédé la catastrophe des quelques secondes.

Aucun de ces témoignages ne peut s’expliquer par un phénomène chimique. Ils attestent, bien au contraire, de la réalité d’un phénomène physique – et plus spécifiquement électrique – qui aurait précédé la catastrophe de quelques secondes.

Il apparaît, par ailleurs, que les enregistreurs d’EDF-RTE font état d’un incident électrique qui aurait affecté le poste " Ramier " et le poste " Lafourguette " environ neuf secondes avant la déflagration principale. Pour mémoire, le poste 63-20 kV de l’île du Ramier est un " poste-client " appartenant à la SNPE. Le poste " Lafourguette " est le poste EDF qui alimente la SNPE par une liaison 63 kV souterraine.

La SNPE dispose, en outre, d’une unité d’autoproduction composée de deux turbines à gaz de 5,1 MW chacune. Au moment de l’accident, cette unité était en phase de maintenance et la SNPE était alimentée par EDF.

On est en droit de penser qu’ un incident électrique a affecté le transformateur 62/20 kV de la SNPE, entraînant la mise à la terre de l’une des phases de l’alimentation triphasée. Selon certaines sources " officieuses ", ce transformateur n’aurait d’ailleurs pas été installé selon les règles habituelles, notamment en ce qui concerne la mise à la terre de l’installation.

La mise à la terre accidentelle d’une phase entraîne, pendant un court instant, l’apparition d’un " courant de défaut " dont le voltage est celui de l’installation incriminée (63 ou 20 kV sur un transfo HTA/HTB) et dont l’intensité peut atteindre la dizaine de milliers d’ampères. Selon les lois classiques de l’électricité, ce courant de défaut va s’écouler dans le sol de façon à " fermer le circuit ", c’est-à-dire en retournant, par le plus court chemin possible, vers sont point d’injection, en l’occurrence le poste EDF de Lafourguette.

L’examen des cartes et des photos aériennes montre que, dans ce cas, le courant de défaut généré par le poste " ramier-SNPE " se sera écoulé dans le sol en passant très exactement sous l’unité de production, de stockage et de conditionnement des nitrates d’ammonium de l’usine AZF.

Nous avons démontré, par ailleurs, que l’écoulement du courant de défaut a été facilité par la très grande conductivité électrique du sol gorgé d’eau et de produits chimiques qui accroissent la conductivité (nitrates, chlorures,…).

Il conviendrait, d’autre part, de vérifier si le premier déclenchement n’a pas engendré une tentative ratée de réenclenchement automatique. Les experts en électricité savent, en effet, qu’en cas de mauvais réenclenchement, le défaut peut s’aggraver par une importante montée en tension. Un mauvais réenclenchement, sur un réseau 63 kV, peut générer des gradients de potentiel supérieurs à 100.000 volts.

Il est en tous cas certain qu’un incident de ce type a pu porter les masses métalliques de l’usine AZF à un potentiel électrique très élevé, du moins celles qui étaient " à la masse " (en contact avec le sol). C’est le cas pour de nombreuses structures de bâtiments et même pour les armatures des dalles en béton armé de facture ancienne et qui se sont fissurées au fil du temps.

Portées à un haut potentiel électrique par le courant de défaut, ces armatures se seraient chargées à la façon des armatures d’un condensateur et, pour autant que certaines conditions soient réunies (gradient de potentiel, distance entre les armatures,…) ces condensateurs ont pu se décharger en produisant des arcs électriques. Pour mémoire, l’arc résulte de la forte ionisation de l’air qu’engendre un potentiel électrique élevé. L’air ionisé étant conducteur, le courant peut passer d’une armature à une autre en produisant l’arc qui est la manifestation lumineuse du phénomène. L’air ionisé est également porté localement à très haute température (4.000 à 10.000 °C). Cette température est très supérieure à la température de gazéification du nitrate d’ammonium (1150 °C) et pourra donc provoquer la rupture de la structure moléculaire de ce produit avec, pour résultat, sa décomposition en oxyde d’azote et en ammonium. L’ammonium, étant un radical instable, va immédiatement se transformer en gaz ammoniac en libérant de l’hydrogène. C’est cet hydrogène, en se mélangeant à l’oxygène de l’air, qui va constituer l’élément explosif. Comme indiqué dans notre note de synthèse (annexe du 23 février 2002), l’hydrogène détone pour des niveaux d’énergie très faibles (à partir de 0,009 . 10-3 joule) et pour des concentrations dans l’air également très faibles (entre 3,6 et 66,6 grammes par mètre cube). Voir à ce propos " Les dangers de l’électricité statique " dans les " Cahiers suisses de la sécurité du travail " - n°2 – 1959 – pp.671-690.

La quantité d’énergie libérée par un arc et la quantité d’hydrogène disponible par le fait de la décomposition du nitrate d’ammonium pouvaient donc être réunies dans le cas d’un fort courant de défaut ayant circulé sous les installations de l’usine AZF. C’est un fait indéniable qu’aucun physicien sérieux ne peut contester.

Comme nous l’avons indiqué dans nos notes de synthèse, l’hypothèse de l’incident électrique ayant entraîné deux explosions – une première explosion de faible intensité suivie, environ deux secondes plus tard, de la déflagration destructrice – est la seule qui soit parfaitement cohérente et qui puisse expliquer les témoignages mentionnés ci-dessus. Ces témoignages ont d’ailleurs été rejetés par les enquêteurs " officiels " parce que jugés " incohérents ". Mais curieusement, on a préféré les écarter plutôt que de rechercher une explication qui soit cohérente.

On sait d’ailleurs que le préfet de la Haute-Garonne a rejeté, à priori, l’hypothèse électrique en se référant aux théories saugrenues qui avaient été avancées par certains mouvements prétendument " écologistes ". En parlant à tort et à travers de ce qu’ils ne connaissent pas, ces écologistes d’opérette ont apporté de l’eau au moulin des " autorités ", lesquelles persistent, contre vents et marées, à vouloir trouver une explication purement chimique qui éviterait, notamment, d’incriminer la SNPE, entreprise d’état travaillant pour la défense nationale et d’autres secteurs dont les activités sont couvertes par la notion de " secret ".

La présidence européenne du CEPHES, forte de sa très longue expérience dans le domaine des nuisances physiques de l’environnement, persiste, bien au contraire, à affirmer que l’ hypothèse de l’incident électrique survenu sur les installations de la SNPE demeure, à ce jour, la seule hypothèse véritablement cohérente.

Le CEPHES exige donc que cette hypothèse soit prise en compte par les enquêteurs et vérifiée par tous les moyens possibles de l’investigation scientifique, technique et policière. Nous exigeons, bien entendu, que cette enquête soit rendue publique et qu’aucun de ses aspects ne soit dissimulé, éludé ou manipulé.

Enfin, s’il apparaît que la catastrophe du 21 septembre est bel et bien due à un incident électrique, nous exigeons - conformément aux dispositions de l’article 130 R du Traité de l’Union européenne - que des mesures soient prises, DE TOUTE URGENCE, pour qu’un tel accident ne puisse plus se reproduire, notamment en installant des inductances de compensation (bobines de Pertersen) sur les réseaux qui alimentent des sites sensibles et plus particulièrement des sites de fabrication et de stockage de produits volatils ou explosifs. Cet aspect du problème a déjà été développé dans nos notes précédentes.

Pour le C.E.P.H.E.S. ,

Le président européen,

Daniel DEPRIS

Expert-consultant-formateur agréé

Voir aussi l'enquète ultérieure :
Toulouse An 1 après AZF
Août 2002

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