Monsieur,

J’ai pris, sur Internet, votre site et, à la rubrique " Nouveaux communiqués en ligne " : " Revue SCIENCE ET AVENIR, n°663 – mai 2002, commentaires sur l’article " Surdose de champs magnétiques ". J’ai lu votre article et je ne trouve rien à redire. Par contre, j’ai relevé que, pour la moto, page 69, il est mentionné : " Principale cause : la proximité de la batterie ". Or, que je sache, une batterie ne donne que du courant continu et non du courant alternatif. Donc, il peut y avoir éventuellement un champ électrique mais pas de champ magnétique, à moins que mes anciennes notions d’électricité ne m’abusent.

Chose encore plus dérangeante pour moi, c’est, page 61 : " Rien à voir avec le téléphone. Les champs électromagnétiques sont il est question dans ces pages ne concernent que les ELF… En outre, elles n’ont pas d’effet thermique, contrairement aux micro-ondes de la téléphonie mobile… ". Apparemment, l’auteur de l’article considère que la téléphonie mobile n’a que des effets thermiques (c’est le point de vie défendu par M. Veyret dans toutes les réunions publiques organisées par les pouvoirs publics ou par les industriels, mais aussi par l’Agence des fréquences qui fait des mesures sur les sites et clame, dans les journaux locaux : Nice-Matin, Var-Matin, ne pas avoir trouvé d’ELF, entre-autre dans la région PACA), alors que, dans les GSM ou DCS, les 900 MHz ou les 1800 MHz sont pulsés en 217 MHz. Les effets thermiques de la téléphonie cellulaire son reconnus maintenant par tous et des études les ont démontrés.

J’aimerais aussi avoir votre avis là-dessus.

Autre chose : avez-vous l’étude " épidémiologique du Dr DE-KUN-LI faite à Oakland entre 1996 et 1999 – publiée en janvier 2002 – ainsi que les autres études mentionnées page 64 ?

Il y a peu de temps, à Marseille, j’ai vu M. Bouillet (ancien colonel expert en fréquences, directeur des fréquences chez Bouygues Telecom) qui, dans une réunion publique, juste après la sortie du rapport Zmirou, se moquait des gens qui soutenaient que le TGV pouvait produire des champs électromagnétiques dangereux pour la santé. Je ne crois pas qu’il était de mauvaise foi mais je pense qu’il ignorait tout simplement les études faites sur le sujet. Je sais, pour avoir été six ans dans l’armée, que dans ce milieu on ignore bien souvent les études faites d’autre part car on vit dans un cercle fermé, aussi bien physiquement qu’intellectuellement.

J’en termine ici, bien que je pourrais raconter bien d’autres choses sur des personnes qui, de par leurs fonctions, croient tout connaître mais sont, en fait, bien loin de la réalité. Certains préfèrent dire n’importe quoi plutôt que d’avouer qu’ils ne savent rien !

J’ai aussi entendu dire que la réplication de l’étude faite par Mme Bastide sur les œufs de poulets a été un succès alors que M. Zmirou mettais au défi Mme bastide de réussir une seconde fois son expérience. Avez-vous des informations là-dessus ? Certains disent déjà que ce rapport ne sera jamais oublié mais qu’il sera étouffé !

Dans l’attente….

REPONSE :

Toulouse, le 14 mai 2002

Monsieur,

Je vous remercie de l’intérêt que vous portez aux activités du CEPHES et à notre site Internet.

En réponse à votre courrier daté du 7 mai (réaction à notre communiqué 17/02 du 3 mai dernier), il m’appartient de vous donner les réponses suivantes :

  1. Vous avez parfaitement raison en ce qui concerne la batterie. Il s’agit d’un accumulateur de courant continu (comme une pile quelconque) qui ne peut, en tant que tel, générer un champ magnétique.
  2. L’article de " Science et Avenir " ne dit pas par qui – et comment – les " mesures " de champ ont été faites. Je ne serais pas trop étonné d’apprendre que c’est un journaliste qui s’en est chargé. Et même si ce journaliste possède quelques notions scientifiques (c’est préférable quand on travaille pour un périodique qui se veut " scientifique "), il a fort bien pu se tromper.

    Je n’en finirais pas de dresser la liste des articles publiés dans la presse francophone où l’on relève des erreurs – parfois monumentales – en matière de métrologie. On a un peu trop tendance à croire que n’importe quel quidam, doté d’un appareil de détection ou de mesure, est capable de faire un travail correct. C’est malheureusement faux. La métrologie est une profession à part entière et la métrologie des rayonnements et des champs induits est d’autant plus complexe que l’on ne voit pas ce que l’on mesure. Mais, de nos jours, beaucoup de journalistes se posent en " spécialistes ", même et surtout quand ils ne le sont pas. La France est un pays présumé laïque où l’infaillibilité des élus et des journalistes a remplacé l’infaillibilité pontificale ! Même quand ils ont tort, ces messieurs-dames refusent de l’admettre et de faire amende honorable !

    Dans le cas d’un véhicule moderne, qui est bourré d’électronique, on peut facilement croire que l’induction vient de tel endroit alors même qu’elle peut être générée par un autre dispositif. Il faut travailler avec des boucles spéciales, couplées à un teslamètre digne de ce nom. Elles seules permettent de localiser l’origine de l’induction avec précision. Toute autre façon de travailler n’est pas acceptable, sauf s’il s’agit simplement d’une évaluation sommaire qui ne peut être prise en compte dans un article ou dans une communication.

  3. Le " point de vue " selon lequel les hyperfréquences (ou " micro-ondes ") n’auraient que des effets thermiques est INDEFENDABLE. C’est cependant l’alibi dont se servent les porte-parole des lobbies (Miro, Veyret, De Sèze, etc…) pour tenter de cautionner la pseudo prénorme concoctée par le Cenélec pour le compte des industriels de la téléphonie et des télécommunications.
  4. J’ai fait mettre en ligne toute une série de documents qui prouvent, DE FACTO, que les effets NON THERMIQUES sont connus et démontrés depuis fort longtemps. J’ai notamment reproduit le résumé des travaux de Miro pour les années 59-60, une instruction militaire française datant de 1972 ainsi qu’ un large extrait d’une note de l’INRS de 1978 et de plusieurs ouvrages de l’OMS. TOUS ces documents attestent du fait que les experts (les vrais, pas les fumistes et les charlatans) savent, depuis plus de 30 ans, que les effets non thermiques des radiofréquences et des hyperfréquences peuvent être à l’origine d’effets biologiques variés et d’une pathologie bien précise.

    Dans le cas du Pr B. Veyret – que vous citez et qui est l’un des principaux pions du lobby des télécommunications civiles et militaires -, je détiens le texte d’une communication qu’il a faite lors d’une journée d’étude organisée par le Pr Miro (Paris – Université de Jussieu – 25 janvier 1991). Il y faisait mention de différents travaux mettant en évidence des effets imputables à des interactions non thermiques. Il citait notamment les travaux de Lai (effets sur le système nerveux central) et de Vinogradov (modification de la structure antigénique des protéines du cerveau pour une exposition à la fréquence de 2,375 GHz et pour des densités de puissance comprises entre 50 et 500 µW/cm²). Et, à la fin de sa communication, on pouvait lire : " …Pourtant, à faible puissance, quand l’apport calorifique est négligeable, des effets subsistent et ne peuvent être expliqués que par des interactions " spécifiques " entre les ondes et des récepteurs à définir (membranes près d’un changement de phase, protéines, complexe lignant-récepteur, substrat-enzyme, etc…) Dans ce dernier cas, il apparaît que la notion de dose est importante puisque certains effets paraissent cumulatifs. "

    En tant que directeur du laboratoire pour l’étude des interactions " ondes-matière " de l’ENSCPB (Université de Bordeaux), Veyret est sans nul doute l’un des meilleurs spécialistes français dans ce domaine. Mais son labo est beaucoup trop largement tributaire de " sponsors " (industriels, défense nationale,…) qui ne tiennent pas à ce que le grand public mette son nez dans leurs juteuses affaires et dans leurs combines fort peu reluisantes. Veyret est donc obligé de pratiquer la langue de bois (dans son cas, on devrait même parler d’une langue en acier trempé !), le double langage et la désinformation. Il en va de même pour René De Sèze, son ancien assistant à Bordeaux, et la plupart des experts plus ou moins " officiels ".

    Et comme la plupart des journalistes prennent pour argent comptant ce que disent les " experts officiels " !

    Vous signalez, d’autre part, que l’Agence des fréquences ne trouve pas d’ELF lorsqu’elle fait procéder à des mesures. Cela tient à deux choses : primo, le fait que le matériel utilisé par cette agence (ou par certaines entreprises travaillant pour elle) n’est pas adapté à la mesure des basses et très basses fréquences, ; secundo parce que le 217 Hz auquel vous faites référence est une fréquence " de modulation " (ou " de pulsation "). N’étant pas " rayonnée ", elle ne peut pas être mesurée avec un mesureur de champ ou un analyseur de spectre. C’est un " détail technique " que beaucoup de personnes ne parviennent pas à comprendre mais qui a son importance.

  5. Je vous avouerai sincèrement que les études récentes m’intéressent peu, même si certaines d’entre-elles peuvent nous éclairer sur divers aspects du problème. Pour moi, la réalité du problème est connue depuis longtemps, très longtemps. C’est ce que j’ai voulu démontrer sur Internet. Dès lors, peu m’importe qu’une Xième étude ait mis le doigt sur tel ou tel détail que d’autres études avaient déjà mentionné il y a dix, quinze ou vingt ans.
  6. Je ne répèterai jamais assez que la plupart des études en cours n’ont pour but que de noyer le poisson et faire gagner du temps aux industriels et aux financiers. En plus, depuis la fin des années 80, les lobbies ont recours à la technique qui consiste à diluer les vraies études (celles qui sont honnêtes et indépendantes) dans un grand nombre d’études financées par lesdits lobbies et qui, bien entendu, se veulent " rassurantes ". C’est ainsi que, pour une étude qui confirme les effets néfastes des rayonnements non ionisants, on en voit apparaître 5 ou 10 qui affirment le contraire. Car si les laboratoires indépendants ont peu de crédits à consacrer à de telles recherches, les lobbies industriels et financiers n’hésitent pas à investir des sommes énormes pour museler les chercheurs ou leur faire dire des conneries monumentales. C’est ainsi que Veyret ou De Sèze peuvent parfaitement dire une chose et son contraire selon le public auquel ils s’adressent ! Et puis, de toute façon, le propre du " chercheur "… c’est de chercher. Je n’en ai jamais rencontré un seul qui m’ait dit : nous en savons assez, arrêtons de chercher !

    Il est donc de l’intérêt des chercheurs de laisser croire qu’on ne sait pas grand-chose et qu’il faut continuer à financer leurs travaux. C’est ici que leurs intérêts " carriéristes " rejoignent ceux des industriels. Quelqu’un a dit un jour : des chercheurs qui cherchent, on en trouve – des chercheurs qui trouvent, on en cherche. Moi, ça ne m’étonne vraiment pas !

    Il ne faut pas, non plus, négliger le travail de désinformation et de manipulation qui est fait au sein des instances politiques et administratives. Le récent " rapport parlementaire " relatif aux réseaux souterrains (rapport Kert) est un exemple typique de la façon dont les députés et les sénateurs sont eux-mêmes manipulés (parfois à leur insu mais pas toujours) par les industriels et par les financiers qui se cachent derrière lesdits industriels. Sur ce plan-là, le système jacobin français est passé maître dans l’art de berner les citoyens avec des colloques bidons, des études tripotées et des rapports plus que douteux. N’est-ce pas en France que le nuage radioactif de Tchernobyl s’est arrêté à la frontière ?

  7. En ce qui concerne les militaires, je ne vous donnerai certainement pas tort, bien que certains " chefs " soient aussi très habiles dans l’art de jouer le double jeu, tout comme les chercheurs et les élus dont je viens de parler. Vous savez aussi bien que moi que les militaires sont des maniaques du secret et qu’ils savent se servir du " secret défense " pour dissimuler tout ce qui peut être gênant dans leurs activités. C’est ainsi que l’instruction de 1972, relative à la protection contre les effets des rayonnements non ionisants, n’est pratiquement connue de personne au sein des forces armées françaises, même pas des principaux intéressés. Vous noterez d’ailleurs qu’elle ne s’applique qu’aux personnels " civils " travaillant pour le compte des forces armées. Et pourtant, si je ne m’abuse, un militaire n’est rien d’autre qu’un civil en uniforme !

Je ne suis pas tout-à-fait d’accord avec votre analyse, même s’il est vrai qu’un ancien officier, expert en transmissions, peut parfaitement être dans l’ignorance de certaines réalités (ce serait gênant pour lui si, comme vous l’indiquez, il " pantoufle " chez Bouygues Télécom. Ce serait aussi très gênant pour Bouygues !). Je doute cependant qu’un colonel, spécialisé dans ce domaine, n’ait pas eu connaissance de l’instruction de 1972 et des documents relatifs à la radioprotection en milieu militaire. J’y ai eu accès pendant mon service militaire (1965-1966) et je n’étais pas colonel ! Je pencherais plutôt pour une habile manipulation (une de plus), comme on sait si bien les organiser chez Bouygues.

Je suis d’autant moins incité à accorder des " circonstances atténuantes " aux militaires que c’est au niveau des forces armées que les études les plus poussées ont été menées, et ce, dès la fin des années 40. Que les militaires soient peu intéressés par les études faites par les " civils " est sans doute vrai mais ils ne peuvent prétendre ignorer leurs propres études ! Et si je veux bien admettre qu’il existe des cloisonnements internes qui limitent la circulation des informations entre les différents services des forces armées, c’est un problème qui concerne les militaires et aux seuls. Les autorités civiles n’ont pas à en tenir compte. Mon non plus.

De toute façon, n’importe quel ingénieur, civil ou militaire, sait que des moteurs électriques aussi gourmands que ceux des TGV doivent AUTOMATIQUEMENT générer des champs magnétiques très élevés. C’est tellement vrai que, depuis très longtemps, les conducteurs de locomotives électriques des chemins de fer suisses peuvent prendre une retraite anticipée. A Toulouse, le Dr Marrand, médecin du travail de la SNCF m’a un jour confirmé ce que je savais déjà, à savoir qu’il existait une étude médicale " confidentielle " relative aux risques de leucémies qui pèsent sur les conducteurs de locomotives et rames automotrices alimentées en courant alternatif 50 Hz. Dans les TGV, ces risques existent aussi pour tous les agents et personnels " commerciaux " ainsi que pour les voyageurs qui empruntent régulièrement les lignes à grande vitesse. Je n’ai cependant jamais réussi à me procurer un exemplaire de cette étude qui n’aurait pas été communiquée aux syndicats.

Quant à la réplication de l’étude Bastide, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’elle ait été concluante. L’étude de Madeleine bastide ne faisait elle-même que reprendre le principe d’une expérimentation analogue qui avait été menée par Bawin et son équipe (dont faisait partie R. Adey) vers 1975. Les études de Bawin ont été mentionnées dans plusieurs ouvrages de l’OMS et sont archivées dans les Annales de l’Académie des Sciences de New-York.

Et si vous voulez mon opinion à propos de Zmirou, je vous dirai que je le considère comme un incompétent parmi les incompétents, un apparatchik parmi les apparatchiks. Tout ce qu’il peut dire est sans grande importance.

Evidemment, j’entends déjà les réflexions : mais pour qui Depris se prend-il ?

Depris se prend pour Depris, ce qui n’est déjà pas si mal. C’est en tous cas moins grave que certains politiciens français, médiocres entre les médiocres, qui se prennent pour Julius Caïus Caesar ou pour ce paltoquet de Buonaparte. N’est-ce pas l’un de mes compatriotes - un certain Jacques Brel – qui disait dans l’une de ses plus célèbres chansons : " Et moi qui était le plus fier, moi, je me prenais pour moi " ? Mais trêve de plaisanterie.

En ce qui me concerne, je n’ai jamais rien affirmé qui soit de nature personnelle. Je n’ai pratiquement jamais parlé de mes propres travaux (et pourtant, il existent). Je n’ai fait que compiler ceux des autres, essentiellement ceux qui me paraissaient sérieux et non manipulés.

Ayant plus de 35 années de recul en ce qui concerne les effets nocifs des rayonnements, la métrologie et les système de radioprotection, j’estime être en droit de donner mon amis sans avoir à m’inquiéter des réactions du landernau scientifique, industriel ou politico-militaire. L’avis de " ces gens-là " m’importe peu, fussent-ils PDG d’une multinationale, général ou ministre.

Je sais qu’un jour viendra où l’on me donnera raison. Ce jour-là, je serai peut-être mort mais, à tout prendre, mieux vaut avoir raison après la mort que d’avoir tort pendant toute sa vie. Qu’en pensez-vous ?

J’espère avoir répondu au mieux aux questions que vous me posiez dans votre courrier.

Veuillez croire, Cher Monsieur , en l’assurance de mes meilleures salutations.

Daniel DEPRIS

Président européen du CEPHES

 

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