COMPTE-RENDU
RELATIF A L’IMPLANTATION
D’UN RELAIS DE RADIOTELEPHONIE
SUR LE TERRITOIRE
DE LA COMMUNE DE LAUZERTE
(TARN ET GARONNE)

Ce jeudi 3 mai 2001, à la requête de l’association « Grain de SEL » dont le siège est à Lauzerte (82110), nous nous sommes transporté dans le centre de la localité pour examiner le site d’implantation d’un relais hertzien destiné à la radiotéléphonie mobile et portable.

Les antennes émettrices dudit relais ne sont pas visibles de l’extérieur. Elles ont été installées à l’intérieur d’une tour carrée en pierre qui abrite le château d’eau. Cette tour se situe à côté de l’église St Barthélémy, au fond de la place principale du village, dite « place des Cornières ». Nous n’avons pas pu avoir accès aux installations mais il apparaît clairement que l’installation comporte quatre antennes sectorielles montées derrière les quatre fausses fenêtres, au dernier étage de la tour, sous la toiture. Il s’agit donc d’un montage de type quadri-sectoriel.

Au moment où nous rédigeons le présent compte-rendu, les caractéristiques techniques précises de ce relais ne sont pas connues. L’exploitant – en l’occurrence la Sté Bouygues Télécom – a, jusqu’à présent, refusé de fournir ces caractéristiques en arguant d’une clause de « confidentialité » figurant dans le contrat passé entre ladite société et la mairie de Lauzerte. Nous avons signifié à M. Chauve, Maire de Lauzerte, que cette clause était abusive et totalement illégale.

Aussi longtemps que les caractéristiques techniques n’auront pas été fournies aux habitants de Lauzerte et à leurs représentants légaux, l’installation sera regardée comme potentiellement dangereuse pour la population amenée à vivre dans le proche environnement du relais, c’est-à-dire dans un rayon de l’ordre de 100 à 200 mètres autour de la tour supportant les antennes.

Pour pouvoir déterminer, de façon plus rigoureuse, la dangerosité de l’installation, il convient d’exiger que la société exploitante fournisse les renseignements suivants :
























Figure n° 1 : vue générale de la place des Cornières (Photo D. Depris – Mai 2001).

La tour du château d’eau est à la droite de la tour de l’église derrière l’hôtel des impôts et au fond de la place. Les habitations les plus proches sont à un peu plus de 20 mètres des antennes.


Figure n° 2 : vue détaillée de cette tour (Photo D. Depris – Mai 2001).

Les antennes émettrices, invisibles de l’extérieur, ont été installées derrière les fausses fenêtres qui ornent les quatre faces de l’édifice.

Les émetteurs ont été installés au pied de la tour, dans les anciennes toilettes municipales.

L’installation peut passer totalement inaperçue aux yeux des personnes non informées de sa présence. A ce jour, et malgré les propositions qui ont été faites en ce sens, aucune signalétique n’indique la présence des émetteurs hertziens.


Notons cependant que, dès le début des années 80, nous avions nous-même proposé l’adoption d’une signalétique permettant d’avertir les citoyens de la présence d’un émetteur ou d’un générateur d’ondes susceptible d’être dangereux pour la santé ou la sécurité des personnes.



Ces différentes données doivent pouvoir être vérifiables en tous temps et aucune modification de ces paramètres ne peut intervenir sans que l’autorité concédante et la population n’aient été informées et consultées.

On notera que le fait, pour une société exploitante, d’avoir obtenu la signature d’un contrat sur la base d’informations fausses ou lacunaires (ce qui est le cas en l’espèce) constitue une faute grave qui est de nature à rendre le contrat caduc. Cette disposition de droit a d’ailleurs été récemment confirmée par le Tribunal d’Instance de Montpellier (5 décembre 2000), lequel tribunal a prononcé la nullité d’un contrat passé entre la Sté SFR-Vivendi et un syndicat de co-propriétaires. L’intention doleuse a été considérée comme manifeste par le simple fait que l’exploitant ait omis de fournir des informations objectives aux propriétaires concernés, notamment en ce qui concerne les effets éventuels en matière de santé publique.

On notera qu’aucune appréciation correcte des risques potentiels ne peut être faite si l’on ne dispose pas de l’ensemble des informations nécessaires, tant sur le plan technique que sur le plan sanitaire.


NATURE DES RISQUES POTENTIELS


Il n’est pas possible, dans le cadre d’un compte-rendu préliminaire, de définir en détail l’ensemble des risques qui découlent d’une exposition chronique ou permanent aux hyperfréquences. Tout au plus peut-on dire que, dans le cas particulier d’un relais de radiotéléphonie GSM, DCS, PCS ou UMTS, les densités de puissance auxquelles les riverains peuvent être exposés sont presque toujours inférieures à la dizaine de microwatts par cm² (exception faites pour les locaux où l’on peut constater des phénomènes particuliers dits « hot spots »). On se trouve dès lors dans un contexte sanitaire où les risques découlent des effets non thermiques que produisent les rayonnements de type RF/MO (RadioFréquences et hyperfréquences ou « micro-ondes »), effets qui ne se manifestent qu’à moyen et long terme en fonction de la sensibilité qui est propre à chaque individu.

Les effets non thermiques sont connus depuis une cinquantaine d’années et ils ont été abondamment décrits par de très nombreux spécialistes, tant en France qu’à l’étranger. On pourra notamment se reporter aux travaux du Dr Luis Miro, ancien médecin de l’armée de l’air française qui, dès 1959, avait décrit le syndrome neurovégétatif qui se manifeste chez certaines personnes exposées chroniquement ou en permanence à de faibles doses de rayonnements RF/MO. On pourra aussi se reporter aux observations du Dr Deroche, médecin du travail de l’ORTF (voir son rapport de 1970 conservé par les archives de médecine professionnelle) ainsi qu’aux documents produits, entre 1977 et 1982, par l’INRS.

Nous avons nous-même recensé plus de 6.500 références scientifiques et médicales et il s’en ajoute environ 500 chaque année. En outre, la plupart des études menées par des médecins militaires pour le compte des forces armées ne sont plus publiées depuis le milieu des années 80.

Pour plus de détails, nous renvoyons à la lecture des ouvrages que l’OMS a consacré aux effets néfastes des radiofréquences et des hyperfréquences (1981, 1985 et 1991) ainsi qu’au chapitre premier de notre dernier ouvrage ( Les ondes la mort – D. Depris – 2001).)























Figure n° 3 : Cour et bâtiments de l’école maternelle. Les parties les plus directement orientées vers la tour du château d’eau sont à un peu moins de 50 mètres des antennes.


Figure n° 4 : La cour et les bâtiments de l’école primaire (à droite du cliché) et quelques-unes des maisons exposées. En remarque nettement la tour du château d’eau en arrière-plan et à moins de 50 mètres.
























A ce jour, il a été établi que des effets identifiables et reproductibles pouvaient apparaître pour des densités de puissance de l’ordre de 0,2 à 0,3 µW/cm². C’est ce qui a amené la plupart des experts indépendants à proposer le seuil de 1 V/m comme seuil de sécurité puisqu’il correspond à une densité de puissance de 0,256 µW/cm². Ce seuil devrait toutefois être révisé s’il apparaissait que des effets à long terme peuvent être induits par des champs RF/MO dont la composante électrique est inférieure à 1V/m.

Il est également établi que, pour toute une série de raisons particulières (trop longues à exposer ici), les organismes en voie de développement sont nettement plus vulnérables que les organismes « finis » (adultes). C’est donc entre la conception et la fin de l’adolescence que les individus seront les plus vulnérables. Dans le cas des organes ou des organismes ayant environ huit à vingt centimètres de long. Ces fréquences sont donc tout particulièrement dangereuses pour les embryons humains. Dans le cas des enfants, l’absorption pourra être deux à cinq fois plus importante que pour un adulte de taille normale en considérant que les pics d’absorption se font au niveau de la tête et du cou, ce qui pose notamment le problème de la déstabilisation des fonctions endocriniennes et des conséquences diverses qui en résultent.


DANGEROSITE PARTICULIERE DU RELAIS DE LAUZERTE



Dans le cas d’espèce qui nous occupe présentement, on doit observer la présence, dans le proche environnement de l’installation, d’une trentaine d’habitations et de deux écoles, l’une maternelle, l’autre primaire. Les deux écoles sont à environ 50 mètres de la tour et pourraient, comme un certain nombre d’habitations, être affectées par les lobes secondaires inférieures qui seraient émis par les antennes.

Dans les zones rurales, la taille des « cellules » (la cellule est la zone couverte par un relais) est nettement plus importante que dans les zones urbaines ou péri-urbaines. De l’ordre de 500 mètres de diamètre en ville, la taille d’une cellule peut aller jusqu’à 30 km dans les régions à faible densité de population. Il en résulte que la puissance d’émission est nettement plus importante à la campagne ou à la montagne. Ainsi, si 4 ou 5 watts suffisent en agglomération, il faut souvent plusieurs dizaines de watts en zone rurale. Une puissance de 20 à 40 watts est souvent appliquée aux antennes dans les régions agricoles mais la puissance HF peut aller jusqu’à 120 watts dans certains secteurs.

Cette puissance HF est celle qui aboutit aux antennes émettrices. Elle se calcule en déduisant les pertes de transmission (pertes dans les câbles) de la puissance de sortie à l’étage final de l’émetteur. Pour déterminer la puissance qui sera effectivement rayonnée dans telle ou telle direction, il convient de multiplier cette puissance HF effective par un facteur découlant du gain de l’antenne.

Ce « gain » est fonction de la directivité de l’antenne et s’exprime en dBi (décibels par rapport à l’antenne isotropique de référence). Le décibel étant une unité à variation logarithmique, le facteur double tous les 3 dB. C’est ainsi qu’une antenne dont le gain est de 3 dBi a un facteur de 2 tandis que pour 6 dBi le facteur est de 4 et ainsi de suite.

Figure n°5 : la tour du château d’eau – Vue arrière (Photo D. Depris – Mai 2001).

A gauche et à l’avant-plan, la façade arrière de l’hôtel des impôts qui jouxte la tour.


Avec les habitations dont les façades sont visibles à droite ( maisons situées face à la tour), l’hôtel des impôts est l’un des bâtiments qui subira sans nul doute le niveau d’irradiation le plus élevé par le fait des lobes secondaires.


Avec sa structure de bastide médiévale et ses rues étroites, Lauzerte est peu propice à l’implantation d’une relais hertzien ou de tout autre émetteur de radiofréquences ou d’hyperfré-quences dont le fonctionnement est intensif (radiotéléphonie, radiodiffusion , télévision,…).


Figure n°6 : L’une des rues qui figure parmi les plus exposées. Les façades sont à un peu moins de 50 mètres des antennes, la tour étant située hors champ, vers la gauche (dans la rue dont on remarque le débouché et qui est celle de la figure n°5). Photo D. Depris – Mai 2001.
























Dans le cas des antennes sectorielles utilisées en radiotéléphonie, le gain varie habituellement entre 14 et 18,5 dB soit un facteur multiplicateur qui peut aller de 25 à 70. Si nous prenons une antenne dont le gain est de 15 dBi et si nous lui appliquons une puissance effective de 30 W, nous obtenons une « puissance apparente rayonnée » (p.a.r.) qui vaut 30 x 32 = 960 W. Pour un gain de 18,5 dBi, la p.a.r. serait double puisque 30 x 64 = 1.920 W.

C’est cette puissance apparente rayonnée qu’il faut connaître pour déterminer la dangerosité effective d’une installation en fonction du diagramme de rayonnement des antennes et du positionnement de ces antennes par rapport à un environnement déterminé. Il n’existe ici aucune « situation type », chaque cas étant un cas d’espèce.

Toutefois, à titre indicatif, nous dirons que pour une p.a.r. d’environ 1000 W et pour une antenne qui concentre environ 80% de l’énergie dans le lobe principal, on mesurera 10 µW/cm² à environ 40 mètres de l’antenne, 2,5 µW/cm² à 80 mètres et 0,25 µW/cm² (± 1 V/m) à quelques 200 mètres du site d’implantation.

La puissance qui est transmise par les lobes secondaires varie énormément selon le type d’antenne considéré et le mode de montage adopté. Pour une puissance HF de 30 W, on peut considérer que 6 à 7 W peuvent se répartir dans les lobes secondaires. Dans ce cas, on peut encore mesurer des valeurs de champ de l’ordre de 1 V/m à environ 45 mètres des antennes et dans l’axe de certains lobes (en absence de réflexions parasites produisant des « hot spots »).

Un exposé détaillé des notions qui précèdent sera trouvé dans notre « Note d’information relative aux relais hertziens destinés à la radiotéléphonie mobile et portable » (CEPHES – Mai 2001 – 50 pages). On y trouvera les différents schémas, graphiques et documents photographiques qui illustrent notre propos.



CONCLUSIONS


En l’état actuel des choses, et compte tenu d’un manque évident de données techniques précises et vérifiables, nous devons considérer que l’installation incriminée est susceptible de poser des problèmes de santé publique pour les habitants des habitations riveraines mais aussi pour les enfants qui fréquentent les deux écoles communales.

Il semble donc raisonnable, en vertu du principe de précaution – tel qu’il se trouve énoncé à l’article 130 R du Traité de l’Union européenne et tel qu’il a été défini par le Pr Kossel, expert de l’OMS – de différer la mise en service de l’installation aussi longtemps que sa dangerosité n’aura pas été déterminée de façon rigoureuse. Si cette dangerosité devait être confirmée - soit par le calcul théorique, soit par des mesures « in situ » effectuées à l’improviste après mise en service – la population de Lauzerte serait fondée à intenter toute action en justice visant à obtenir le démantèlement du relais au frais de l’exploitant (en vertu du principe de la correction à la source et du principe du pollueur-payeur également énoncé à l’article 130 R).

Fait à Toulouse, le 11 mai 2001

Daniel DEPRIS

Daniel DEPRIS – Compte-rendu relatif à l’implantation d’un relais de radiotéléphonie à Lauzerte – Mai 2001