006-09
Le 30 janvier 2009

A propos des « liaisons dangereuses » qui peuvent exister entre les lobbies industriels, les milieux médicaux et le monde politique… retour sur notre communiqué 001-09 du 6 janvier écoulé…

Dans notre communiqué mentionné ci-dessus, nous avions évoqué les mensonges grossiers que le Dr Aurengo avait distillés sur l’antenne de France 2 Télévision en se prévalant de son statut de membre de l’Académie de médecine. Il avait notamment affirmé que le problème des lignes électriques n’était pas un problème de champs électromagnétiques mais qu’il s’agissait seulement d’un problème de « courants vagabonds ».

Nous avons retrouvé dans nos archives le texte du rapport publié, le 29 juin 1993, par l’Académie Nationale de Médecine. Il a été rédigé par le Dr Jean-Claude Roucayrol et certifié conforme par le Pr Raymond Bastin, secrétaire perpétuel de ladite académie. C’est ce document qui énonce, au point 2 de ses conclusions, que «… au moins dans le cas des leucémies chez l’enfant (la réalité des associations qui ont été décrites entre champs électromagnétiques et certaines pathologies), reste concevable même en l’absence d’un mécanisme explicatif confirmé ».

Or, en nous reportant à la première page de ce rapport, nous constatons que le groupe de travail qui en est l’auteur se composait de MM. Cara, Roucayrol et Soulairac mais aussi (avec la mention « ont également participé aux travaux ») Mme Gluckman ainsi que MM. Coste, Le Bars et… Aurengo !

Le Dr Aurengo avait donc participé à la rédaction de ce document qui s’intitule « Rapport sur les champs électromagnétiques de très basse fréquence et la santé » ! Et il a le culot, en cette année 2009, de prétendre que la problématique des lignes électriques à courant alternatif (50 Hz) n’a rien à voir avec les champs électroma-gnétiques ? Si cet individu a décidément bien mérité son poste d’administrateur d’EDF (entre menteurs on doit bien s’entendre, non ?), il conviendrait de l’exclure de l’Académie de Médecine pour cette grave entorse à la déontologie médicale.


Notons encore que, parmi les personnes qui « ont participé aux travaux » du groupe de travail de l’Académie de médecine, on trouvait également un certain Le Bars qui ne peut être que le Pr Henri Le Bars, de l’Ecole vétérinaire de Maison-Alfort. Il a affectivement travaillé sur les effets que les champs induits provoquent sur les espèces animales mais son laboratoire a rapidement été placé sous la « haute surveillance » de la direction générale d’EDF (qui a largement financé ce labo afin de pouvoir censurer la publication des résultats de recherche).

De cela, on peut conclure que le groupe de travail qui a rédigé le rapport de juin 1993 était lui-même placé sous la surveillance de la direction générale d’EDF qui ne tenait pas à ce que ce rapport puisse lui être défavorable. Il n’en demeure pas moins que ce document constitue la preuve incontestable de l’extrême malhonnêteté intellectuelle du Dr Aurengo.


Cette nouvelle affaire de manipulation des prétendues « autorités médicales » nous rappelle la manipulation identique qui avait affecté les travaux du CSHPF (Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France) lorsque cette instance avait abordé la problématique des lignes à haute tension, le 30 mai 1989. A l’époque, la section « Evaluation des risques de l’environnement sur la santé » dudit CSHPF avait, au point 4 de son ordre du jour, examiné - du moins en théorie - les « Risques liés aux rayonnements non ionisants issus de lignes à haute tension ». Un examen qui avait dû être pour le moins « rapide » compte tenu de l’ordre du jour chargé ainsi que de l’heure de début et de fin de séance. En outre, le PV atteste du fait que ce point IV fit présenté par une personne « invitée » (non membre du CSHPF), en l’occurrence une certaine Mme Ménétrier. Or, nos recherches permirent de découvrir que ladite Mme Ménétrier était membre du personnel du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) donc du lobby électronucléaire. Il n’y a donc rien de bien étonnant à ce que le CSHP se soit contenté de déclarer, après cet examen pour le moins rapide et particulier, que les lignes électriques aériennes ne présentaient aucun danger pour la santé humaine !

Nous pourrions aussi évoquer le cas du service d’épidémiologie d’EDF qui fut fermé du jour au lendemain après que deux de ses membres (Le Pr Marcel Goldberg, de l’Inserm 88, et Ellen Imbernon, médecin du travail d’EDF) eurent publié des résultats « dérangeants » pour la direction d’EDF. Rappelons que le Dr Imbernon avait été licenciée pour « faute grave » avant d’être réintégrée sur décision du tribunal du travail. Et que dire du ministre de l’Industrie qui répond à la place du ministre de la santé lorsqu’un élu interpelle le gouvernement à propos des effets sanitaires des champs induits par les lignes électriques ? C’est pourtant ce que fit Christian Pierret lorsque le problème fut posé par le maire de Saint-Girons (par ailleurs conseiller général de l’Ariège) comme le prouvent les lettres en notre possession.

Nous disposons également de documents prouvant que la direction générale d’EDF a tenté de manipuler le Pr Lazare en vue de constituer un pseudo comité scientifique couvert par les autorités médicales françaises. Le document est signé par Rémy Carle, directeur général adjoint d’EDF (et membre éminent du lobby nucléaire). Il était accompagné d’une note rédigée par le Dr Lambrozo et le Pr William Dab, appartenant tous deux au service des « études médicales » d’EDF.


Pendant combien de temps la comédie va-t-elle encore durer ? Pendant combien de temps la direction générale d’EDF va-t-elle encore manipuler les instances sanitaires et médicales à seule fin d’empêcher que des mesures soient prises en vue de protéger les personnes et les animaux qui subissent quoti-diennement les effets nocifs des champs électromagnétiques à très basse fréquence que génèrent les ouvrages électriques à courant fort, essentiellement les lignes aériennes et les postes de transformation ?

Qu’en dites-vous, Mesdames et Messieurs qui faites profession de repré-senter les droits et intérêts des citoyens au sein des différentes instances politiques et administratives ?

En ce qui concerne les partis politiques français, nous avons observé que les formations dites « de gauche » n’ont jamais tenté de s’opposer, de quelque manière que ce soit, à la politique menée par EDF et le lobby électronucléaire. Au cours de 25 dernières années, le PS a même fourni les meilleurs alliés d’EDF en la personne de MM. Strauss-Kahn (deux fois ministre de l’Industrie et « consultant » d’EDF entre ses deux mandats ministériels), Christian Pierret (secrétaire d’Etat sous Strauss-Kahn) et Bernard Kouchner (ministre de la santé à l’époque où il se prétendait socialiste) mais aussi de Mme Ségolène Royal (en sa qualité de ministre de l’environnement). Sans oublier la dénommée D. Voynet qui s’est également comportée en valet docile de l’entreprise EDF, notamment en signant le « pacte secret de gouvernement » du 2 septembre 1997 au château de Champs-sur-Marne (*). On ne s’étonnera pas, non plus, de constater que Mme Michèle Rivasi siège au sein du groupe socialiste de l’Assemblée nationale (**).

La droite libérale ne s’est pas mieux illustrée dans la défense des citoyens face à EDF et à ses filiales. Exception faite pour M. Alain Juppé lequel, en sa qualité de premier ministre, a eu le courage de s’opposer politiquement et ouvertement à un « grand projet » d’EDF, en l’occurrence le projet de ligne 400 kV dit « du Louron » (en 1996). Il faut toutefois considérer que sa décision fut largement motivée par la prise de position de Mme Corinne Lepage (ministre de l’environnement de l’époque et « non alignée » sur le plan politique en 1996) et par l’intervention de M. Philippe Douste-Blazy, député-maire centriste de Lourdes.

C’est aussi un parlementaire centriste, le député-maire (et ancien ministre) de Vitré qui fut à l’origine de la « proposition de loi tendant à indemniser les familles habitant dans des secteurs où s’implantent des lignes à très haute tension ». Enregistrée en date du 19 décembre 1991, cette proposition s’inscrivait dans le cadre de celle qui avait été formulée par Daniel Depris lors de son intervention, en 1988-89, dans le combat mené contre le projet de ligne 400 kV « Domloup-Les Quintes » (la région de Vitré se trouvant directement concernée par ce projet).

En son article premier, le texte proposé par Pierre Méhaignerie et le groupe de l’Union du Centre (***) prévoyait que : « Les propriétaires de résidence principale ou secondaire ou de bâtiments d’exploitation situés dans une bande de 100 mètres de largeur totale de part et d’autre de la ligne à très haute tension doivent être indemnisés des préjudices nés de la présence de la ligne. En conséquence, lorsque le propriétaire d’une résidence ou de bâtiments d’exploitation, situés comme ci-dessus, le vend pour quelque cause que ce soit, il lui est versé une indemnité correspondant à la moins value constatée lors de la vente ; elle est calculée sur les transactions effectuées dans le voisinage pour des habitations ou des bâtiments d’exploitation identiques ».

A l’époque, le président du CEPHES avait salué l’initiative du groupe centriste tout en critiquant certains aspects du texte proposé. Daniel Depris refusait l’intitulé de la proposition de loi qui faisait mention de « lignes à très haute tension » alors même que le problème découle en réalité des « ouvrages à courant fort » (autrement dit de l’intensité transportée bien plus que de la classe de tension). Il constatait, par ailleurs, qu’il était fait mention d’un « préjudice » mais que la nature de ce préjudice n’était pas mentionné dans la proposition de loi. Il n’apparaissait que dans le texte complémentaire dit « exposé des motifs » qui mentionnait notamment que certains Etats des USA interdisaient toute construction « dans un champ de l’ordre de 200m de chaque côté d’une ligne » et que les nuisances étaient le préjudice de vue, de champs magnétiques, de bruits, d’actions biologiques. Des nuisances qui demeu-raient « à l’appréciation des tribunaux ».

Pour le CEPHES, les 2 x 100 mètres proposés par le groupe centriste était par trop arbitraires et insuffisants tandis que l’absence de définition des nuisances constituant le préjudice était de nature à poser des problèmes juridiques. Il n’était pas admissible que des nuisances dûment identifiées et attestées soient laissée à l’appréciation de magistrats.

Le CEPHES critiquait par ailleurs l’article 3 de la proposition Méhaignerie qui visait à faire financer les mesures résultant de l’application de cette loi « par l’instauration d’une taxe sur les consommations d’électricité ». Ce qui revenait à faire payer l’ensemble des consommateurs pour les erreurs commises par EDF ! ! ! Cet article 3 était résolument en infraction avec l’article 130 R du Traité de l’Union européenne tel qu’il était édicté depuis 1986.

Le texte Méhaignerie ne fut pas adopté mais il fut en partie repris dans le protocole « Etat-EDF » du 25 août 1992 relatif à l’insertion des réseaux électriques dans l’environnement (****). C’est ainsi que l’article 5 de ce protocole prévoit l’indemnisation des riverains pour les « maisons d’habitation principales ou secondaires situés à proximité de lignes électriques ou de postes de transformation 400 kV et 225 kV, construites ou achetées par les propriétaires avant l’ouverture de l’enquête de la DUP de l’ouvrage, si, dans les 4 ans suivant la mise en service de la ligne ou du poste, le propriétaire vend sa maison ».

Le protocole, qui ne mentionne que la « gène visuelle », prévoit aussi que le propriétaire conserve cette possibilité au terme de ces quatre années mais peut également y renoncer par voie conventionnelle moyennant une contrepartie finan-cière immédiate d’EDF tenant compte de cette renonciation. Rien n’est vraiment clair dans ce texte qui ne concerne que les maisons d’habitation et ne s’applique donc pas aux « bâtiments d’exploitation » (comme le prévoyait la proposition Méhaignerie). On est aussi dans le « flou artistique » en ce qui concerne le « couloir de nuisance » puisque le texte ne parle que de « proximité » sans établir ni distance ni niveau de nuisance. Enfin, le protocole introduit une discrimination inadmissible entre les riverains des « nouveaux ouvrages » et ceux qui subissent les nuisances engendrées par les lignes dont la construction est antérieure à la signature du protocole. Tout cela tenait du bricolage et allait dans le sens voulu par EDF avec les mensonges habituels en ce qui concernait les effets sur la santé et le mutisme le plus complet à propos de l’enfouissement des réseaux 400 kV.


On constate donc, pièces à l’appui, qu’EDF et le lobby des lignes aériennes manipule aussi bien les milieux médicaux que les milieux politiques. Pour EDF et les industriels qui se servent de cette entreprise comme paravent, il ne faut surtout pas remettre « l’ordre établi » en question. Et cet ordre passe par un contrôle absolu de la politique énergétique française par les lobbies. Des lobbies qui sont aidés dans leur démarche par des politiciens « compréhensifs » et par des médecins très peu scrupuleux. Au parlement, le député Lenoir fut l’une des chevilles ouvrières du groupe des « apparentés EDF » (ainsi nommé par les autres parlementaires). Le jeu joué par le député Kert (député centriste des Bouches-du-Rhône) fut plus subtil mais quand même mis à jour par le président du CEPHES après la publication du rapport censé avoir été écrit par ledit Kert (voir l’analyse de ce rapport sur notre site Internet).

Il ne nous appartient toutefois pas de nous perdre dans les méandres de la politique politicienne. Peu nous importe que les lois soient proposées par la gauche ou la droite. Ce qui nous importe, c’est qu’elles soient proposées, qu’elles soient cohérentes et surtout… qu’elles soient votées !

Force est cependant de constater que, dans le cas de la France, ce sont des personnalités du Centre et de droite qui ont eu, jusqu’à présent, la volonté d’interve-nir efficacement dans le dossier très « sensible » des nuisances électromagnétiques générées par les ouvrages électriques. Outre Alain Juppé et Pierre Méhaignerie, il faut aussi mentionner Philippe Douste-Blazy qui avait accédé à notre requête en exigeant, en sa qualité de ministre de l’environnement, que ce dossier soit réouvert et examiné avec toute l’attention qu’il méritait. On sait que, très peu de temps par la suite, il fut démis de ses fonctions de ministre de la santé et mis sur une voie de garage (comme ministre de la culture) !

Mis à part M. Michel Rocard, les dirigeants politiques du « centre » sont les seuls à avoir répondu clairement et ouvertement aux courriers qui leur ont été adressés par la présidence du CEPHES. C’est un signe indéniable d’honnêteté intellectuelle et de franchise politique.


Si nous devions accorder une cotation aux différentes sensibilités politiques françaises, les centristes auraient douze sur vingt, la droite aurait huit sur vingt et la gauche… un zéro pointé ! Et nous continuerons à débusquer les menteurs et les manipulateurs partout où ils se trouvent, dans les partis politiques, au parlement ou dans les « académies » (*****).


(*) Ce pacte fut dénoncé à la presse par D. Depris. Il avait été signé en présence de C. Pierret et il prévoyait notamment que le ministère de l’environnement s’engageait à ne pas interférer dans les « dossiers réservés » du ministère de l’Industrie (parmi lesquels les dossiers relatifs aux lignes électriques et à leurs effets sur la santé et sur l’environnement). Ce fut un acte de trahison pur et simple des principes les plus élémentaires de l’écologie politique.


(**) Michèle Rivasi, qui fut l’une des fondatrices du « Cri-rad », s’est servie des actions menées par cet organisme pour promouvoir sa carrière politique et, en tant que député, elle est demeurée dans la « ligne » du PS, laquelle consiste à ne jamais contrarier la direction d’EDF et les responsables du lobby électronucléaire. En 2007, Michèle Rivasi a fondé le « Cri-rem » avec Pierre Le Ruz (qui s’était compromis avec R. Santini et quelques charlatans notoires du monde de la radiesthésie-géobiologie), lequel cri-rem ne s’est guère manifesté que par des prises de position incohérentes (si pas absurdes, voir notamment notre communiqué 013-08). Rivasi et Le Ruz se comportent en fait à la manière des Carabiniers d’Offenbach qui arrivent quand il n’y a plus rien à faire, vingt ans après les premiers combats. Rien de bien sérieux dans tout cela.


(***) En 1991, le groupe de l’Union du centre se composait de MM. Alphandéry, barrot, Bayrou, Bosson, Mme Boutin, MM. Bouvard, Chavanes, Couanau, Cozan, Adrien Durand, Foucher, Fréville, Fuchs, Geng, Gengenwin, Gerrer, Grignon, Grimault, Guellec, Hyest, Mme Isaac-Sibille, MM. Jacquemin, Jean-Baptiste, Kert, Méhaignerie, Mme Monique Papon, MM. Rochebloine, Stasi, Vignoble, Virapoullé, Voisin, Weber et Zeller. Y siégeaient également (comme « apparentés ») MM. Barre, Baudis, Birraux, Briane et Landrain.


(****) Protocole signé par MM. Bérégovoy (premier ministre) et D. Strauss-Kahn (ministre de l’Industrie), par Mme S. Royal (ministre de l’environnement) et par Gilles Ménage (président d’EDF).


(*****) Contrairement à la plupart des organismes qui prétendent s’occuper de la défense de l’environnement ou des consommateurs, le CEPHES n’a jamais cessé d’être strictement et authentiquement indépendant. Nous n’avons jamais sollicité la moindre subvention, le moindre subside, la moindre aide matérielle. Pas plus des pouvoirs publics que du privé. Ce qui n’a pas été sans nous causer de fréquents problèmes financiers. Mais c’est ainsi que nous avons pu sauvegarder notre totale liberté de parole et d’action. Quand on veut être libre, on ne tend pas la main !

Lettre Rocard

Mention manuscrite de Michel Rocard en bas d’une lettre adressée à Daniel Depris (18 mars 1993). Il fut le seul homme de gauche à avoir reconnu la valeur de la vision socio-politique du président du CEPHES.

Ci-dessous, l’extrait d’une lettre de Bernard Bosson, président du CDS, au président du CEPHES (8 janvier 1993). Député-maire d’Annecy, Bernard Bosson fut aussi ministre de l’Equipement. Il admettait partager, avec Daniel Depris, une même approche « globale et politique » du domaine de l’environnement. C’est celle qui consiste à dire que l’on peut s’occuper d’écologie sans « faire de politique » mais certainement pas sans « tenir compte de la politique ».

Député-maire
d'Annecy Bernard Bosson
signature Député-maire
d'Annecy Bernard Bosson

Expert de renommée internationale, le président du CEPHES a toujours intégré la « dimension politique » dans son travail sans jamais prendre position pour telle ou telle « famille politique », sans jamais se laisser influencer par des arguments « politiciens ». C’est sans nul doute l’un des facteurs qui expliquent sa très grande efficacité face aux grands lobbies industriels.