Dans un précédent communiqué, nous avions évoqué les travaux du Pr Félix Trombe, ce grand spécialiste français des problèmes thermiques qui fut à lorigine des fours solaires de Cerdagne et de nombreuses inventions dans le domaine de lénergie dite « solaire » (comme les « murs Trombe » et les « frigos Trombe »). Félix Trombe ne fut cependant pas le seul chercheur français ayant développé des applications pratiques de la chaleur émise par le soleil. Dès le XIXe siècle, ils furent plusieurs à vouloir exploiter industriellement cette énergie naturelle et renou-velable à volonté.
Cest, semble-t-il, Mouchot qui fut le premier à présenter un appareil de type « insolateur » destiné à produire de la vapeur en ne recourant quau rayonnement solaire. Une version perfectionnée de cet insolateur fut présentée en 1880 par lingénieur Abel Pifre. Cest ce modèle qui est représenté ci-dessous.
On voit que cet authentique four solaire - conçu il y a de cela près de 150 ans se composait dun grand réflecteur formé de deux troncs de cône (il nest pas strictement parabolique). Il concentrait le rayonnement vers une chaudière cylin-drique C où leau était vaporisée par la chaleur. Cette eau pouvait être utilisée pour activer un moteur à vapeur ou pour toute autre utilisation. Lensemble reposait sur un support orientable.
Ce dispositif fut testé en Algérie. Avec un réflecteur denviron 20m², linso-lateur Pifre fournissait une puissance de lordre de 1 cheval-vapeur. Ce rendement fut jugé insuffisant et ce matériel ne fut pas développé. A cette époque de lindustrie triomphante, les applications « domestiques » de lénergie solaire nintéressaient personne. Ce nest que bien plus tard que le four à réflecteur fut redécouvert, tant pour les installations industrielles (comme les fours de Cerdagne) que pour les petites installations de cuisson destinées aux pays chauds. Aujourdhui encore, ce type dapplication de lénergie solaire nintéresse pas les industriels (voir ce qui a déjà été dit à ce propos).
(*) A Mouchot naquit à Semur en 1825. Professeur au lycée de Tours, il se fit connaître pour ses travaux relatifs à lénergie solaire. Il a conçu et construit différents types de réflecteurs et de générateurs et, en 1876, il fut chargé dune mission en Algérie. Il a publié « La Chaleur solaire et ses applications » (1869) ainsi quun ouvrage traitant de la réforme cartésienne étendue aux différentes branches des mathématiques pures (1877).
Linsolateur Mouchot-Pifre de 1880 et le Sun-gril qui fut commercialisé un siècle plus tard (vers 1980). Le principe est absolument identique mais le Sun-Gril ne sert quà faire chauffer une casserole (ou tout autre récipient posé sur le plateau de chauffe. Les insolateurs à parabole ne conviennent guère que pour des applications domestiques. Peu coûteux (on peut les bricoler facilement avec des paraboles de récupération), faciles à installer et à utiliser, ils constituent une solution idéale pour la cuisson des aliments dans les pays chauds. Ils peuvent aussi convenir pour le camping, les randonnées (avec parabole pliante, type parapluie).
Au XIXe siècle, on imagina aussi des systèmes de concentration du rayonne-ment solaire par jeux de lentilles optiques. Mais ce procédé exigeait des lentilles énormes, fragiles, encombrantes et coûteuses, pour un résultat encore moins bon que celui qui avait pu être obtenu avec les réflecteurs.
Lutilisation de lénergie solaire semble dailleurs avoir été envisagée dès la plus haute antiquité. Il nexiste toutefois que fort peu de traces des procédés qui furent utilisés, avant le XIXe siècle, pour optimaliser le rayonnement émis par notre étoile et son puissant réacteur nucléaire naturel. Il semble toutefois à peu près certain que des dispositifs à réflecteurs furent imaginés bien avant le début de notre ère, dans la vallée de lIndus (berceau des peuples dits « indo-européens »), en Mésopotamie et en Egypte.