Afin de répondre aux questions posées par plusieurs internautes à propos des travaux du Pr Trombe, nous avons cru utile de produire les informations suivantes.
Né en 1906, décédé en 1985, Félix TROMBE fut un éminent spécialiste des questions liées aux phénomènes thermiques. Il travailla tout aussi bien sur l’isolation des bâtiments que sur la production de chaleur et de froid. Il termina sa carrière comme directeur de recherches au CNRS de Grenoble. Mais il fut aussi très réputé en tant que spéléologue.
Dans le domaine des fours solaires, Félix trombe fut l’un des pionniers de la recherche française. Dans la foulée des expérimentations menées à Meudon (entre 1946 et 1949), il installa un four expérimental à Mont-Louis (Cerdagne, Pyrénées orientales) et il y mena de nombreuses expériences entre 1949 et 1968. D’une puissance de 45 kW, le four de Mont-Louis fut réhabilité en 1982 et remis en fonctionnement pour le compte d’une petite entreprise. Il peut être visité.
C’est encore Félix Trombe et son équipe du CNRS qui furent à l’origine du four solaire d’Odeillo/Font-Romeu. Achevé en 1968, sa puissance thermique est de 1.000 kW (1MW) avec un flux maximal de l’ordre de 11 MW/m². Il se compose d’un miroir parabolique de 2.000 m² (fait de 9.130 miroirs de 45 cm de côté) auquel font face 63 miroirs orienteurs de 45 m² chacun, disposés en quinconce sur 8 terrasses. Ce four solaire est à présent géré par l’IMP (Institut des Matériaux et Procédés).
C’est encore à Odeillo que Félix Trombe entreprit de faire construire une « maison froide » expérimentale. Un premier prototype de 3mx3m fut réalisé en 1962. Il avait permis d’obtenir des températures de 10 à 20 degrés inférieures à celles de l’extérieur. Destinées aux pays chauds, ces « maisons froides » permettaient d’obtenir une climatisation efficace sans aucun apport d’énergie autre que naturel et gratuit. Le principe mis en œuvre était celui de larges baies rayonnantes faites d’éléments en aluminium oxydé ou recouverts de peintures adaptées, avec écrans de polyéthylène.
C’est ce principe qui sera utilisé pour la réalisation des « frigos Trombe » dont nous avons déjà parlé dans l’un de nos communiqués. C’est toujours en Cerdagne que Félix Trombe développa ses prototypes de réfrigérateurs solaires, avec le concours d’Albert et Madeleine Lê Phat Vinh, ses principaux collaborateurs. Il parvint ainsi, avec des matériaux très peu coûteux (et très ordinaires) à obtenir des écarts de température atteignant 35 degrés centigrades. Toujours sans aucun apport d’énergie. Rien qu’en exploitant des phénomènes naturels. Le principe exploité par Trombe était d’une exceptionnelle simplicité mais il avait exigé de nombreux essais avait que les différents éléments du puzzle soient mis en place. Il s’agissait de trouver un matériau bon marché qui soit capable de se comporter comme un « corps noir sélectif », capable de fonctionner jour et nuit en rayonnant les radiations terrestres et en réfléchissant les radiations solaires.
C’est à Mont-Louis que Félix Trombe mit au point une peinture d’un blanc éclatant mais qui se comportait comme un corps noir vis-à-vis des rayonnements infrarouges capables de traverser l’atmosphère terrestre. Sous le chaud soleil de la Cerdagne, une tôle d’aluminium non traitée et exposée au soleil sera rapidement brûlante tandis que la même tôle, recouverte de la peinture à l’oxyde de titane sera pratiquement froide.
La photo, ci-dessus, montre quelques-uns des prototypes des réfrigérateurs solaires développés par Félix Trombe et ses collaborateurs à Mont-Louis (photo de 1963 pour « Science et Vie » - voir notre communiqué relatif à l’article que cette revue avait consacré aux travaux du Pr Trombe).
Trop simples et trop
peu coûteux, les procédés mis au point par
l’équipe Trombe ne furent jamais développés
à leur juste valeur. Ils ne présentaient aucun intérêt
financier pour ceux qui contrôlent
l’industrie du chaud et du froid.
L’industrie
privilégie les systèmes qui impliquent tout un réseau
commercial pour l’installation, la maintenance et les
réparations mais aussi la consommation d’une énergie
quelconque (charbon, gaz, fuel, essence, électricité,…).
Il faut aussi que les produits soient « périssables »,
autrement dit que leur durée de vie soit limitée dans
le temps. Ce sont les règles de base de la société
dite « de consommation ». Un produit bon
marché n’est intéressant que si sa durée
de vie est courte. Or, les travaux de l’équipe Trombe
aboutissaient à la conception de produits que de simples
artisans pouvaient fabriquer avec des matériaux très
peu onéreux. En outre, ils ne nécessitaient aucun
entretien et leur durée de vie était pratiquement
illimitée.
C’est tout juste si quelques petits industriels tentèrent de produire et de vendre des « cuiseurs solai-res », petits fours permettant de faire chauffer une casserole ou un récipient quelconque. Ce fut le cas pour le « SUN GRIL » que la firme IDEX proposait, en 1980, pour une somme d’environ 700 FF (TTC).
Le Sun Gril était une copie presque exacte des premiers fours réalisés par Félix Trombe, juste après la seconde guerre mondiale, avec des réflecteurs de projecteurs pour DCA.
Notons, au passage, que ce type de cuiseur solaire peut être réalisé, sans trop de difficultés, par tout bon bricoleur qui aurait pu se procurer un réflecteur parabolique ayant un diamètre suffisant. Il en va de même pour les chauffe-eau solaires « de base » que l’on peut réaliser pour quelques sous avec un récipient de couleur noire ou peint avec une peinture adéquate.
Félix Trombe ramait donc à contre-courant, tout comme Daniel DEPRIS, président du CEPHES (qui proposa des solutions mettant en œuvre les principes de la thermo-électricité). Même lorsqu’il est directeur de recherches au CNRS, un chercheur n’a aucune chance de se faire une très grande renommée lorsqu’il rame à contre-courant, lorsqu’il refuse de tenir compte des intérêts de la grande industrie et des milieux financiers. Les hommes et les femmes qui oeuvrent honnêtement dans le domaine des économies d’énergie, des énergies « nouvelles » (ou présentées comme telles) et du développement durable en savent quelque chose. On trouve des milliards pour maintenir le secteur nucléaire en vie mais l’on ne consacre que des clopinettes aux recherches dignes d’intérêt (comme, par exemple, celles qui concernent les piles bactériennes ou les procédés thermo-électriques).
Notons toutefois que certains groupes industriels se sont intéressés à des projets de réfrigérateurs « solaires ». Nous mentionnerons, par exemple, le procédé « Gaspard » (Générateur à absorption solaire pour la production autonome de réfrigération douce ») qui fut développé par la société française « Brissonnneau et Lotz Marine » (filiale du groupe Jeumont-Schneider). Il s’agit cependant d’un procédé très différent de celui qui avait été imaginé par Félix Trombe. C’est un « frigo-armoire » presque conventionnel que surmonte un capteur solaire. Le froid est obtenu par l’évaporation d’un liquide (méthanol ou alcool méthylique) qui est reconstitué par dans un condensateur contenant du charbon activé. Sous un climat propice, un capteur solaire dont la surface est de 1 m² permet à un réfrigérateur Gaspard de produire 5 kg de glace dont la température se situe entre – 4 et – 7 degrés centigrades.
Développé primitivement par le laboratoire du Pr Francis Meunier (CNRS – Orsay), Gaspard n’utilise aucun moteur et ne requiert pas d’apport énergétique autre que solaire. C’est cependant un procédé qui requiert une technologie industrielle complexe que requiert la fabrication de tels réfrigérateurs. C’est pour cette raison que Gaspard – que l’on destinait d’abord aux navires et aux plates-formes pétrolières – a suscité l’intérêt d’un groupe industriel. Gérard Paye, qui dirige le secteur recherche-développement de la Sté Brissonneau-Lotz Marine avait d’ailleurs souligné que l’apparente simplicité du frigo Gaspard cachait toute une série d’astuces techniques, notamment pour la fabrication des compartiments obligatoirement inaltérables et étanches au vide, ainsi que pour le dégazage du charbon. Gaspard est donc un « frigo solaire de luxe », un véritable produit industriel sans aucune comparaison possible avec les « boîtes à faire du froid » de Félix Trombe.
Le nom de Félix Trombe est encore associé à un mur qui exploite identiquement les particularités absorbantes et réfléchissantes des matériaux. Le « mur Trombe » permet le stockage thermique avec ventilation, contrairement à d’autres procédés à murs pleins et sans ventilation.
Félix TROMBE fut un chercheur modeste, peu connu de son vivant et encore mal connu de nos jours. En France, il fut parfois mieux connu comme spéléologue que comme thermicien. Son nom demeure cependant intimement lié à la Cerdagne, cette région de France qui, plus que toute autre, mérite le nom de « pays du soleil ».
Le choix de la Cerdagne pour les travaux relevant de la thermicité et de la thermodynamique n’est pas due au hasard. Ce secteur des Pyrénées orientales est, en effet, celui qui assure le meilleur ensoleillement. A Odeillo, outre le four déjà mentionné, on trouve plusieurs fours secondaires du CNRS et un four « défense nationale ».
Un peu plus loin, à Targassonne, on trouve la centrale « THEMIS » qui fut construite (en 1979) pour le compte d’EDF en collaboration avec le CNRS. C’est une « centrale à tour » d’une puissance de 2,5 MW. Elle servit à des expérimentations diverses entre mai 1983 et juin 1986 puis fut affectée à des travaux d’astrophysique. Elle avait coûté 300 millions de FF (financement par EDF et le Commissariat à l’énergie solaire) (2). Trop complexe, ce prototype n’était pas rentable. Le coût du kWh produit était de l’ordre de 10 FF (20 fois plus cher que le kWh thermique classique).
(2) Le Comes (Commissariat à l’énergie solaire) avait été créé en 1978 mais,en mai 1982, il sera intégré au sein de l’AFME (Agence Française pour la Maîtrise de l’Energie) qui fut gravement compromise dans une affaire de malversations financières. L’AFME fut dissoute puis reconstituée sous la dénomination « Ademe ». De nombreux projets relevant de la maîtrise énergétique furent sabotés du fait des magouilles financières qu’ils recouvraient.
Le programme THEM (Thermo-Hélio-Electrique-Mégawatt) avait été lancé en 1976 par EDF et le CNRS. Le 30 septembre 1977, le Conseil des ministres avait approuvé l’implantation de la centrale « THEM 1 » dans les Pyrénées orientales. Le 20 juin 1979, « THEM1 » devenait « THEMIS », la centrale expérimentale du CNESOL (Centre National d’Essais SOLaires).
Le programme THEMIS était très différent des programmes développés par l’équipe de Félix Trombe. Il s’agissait d’un « projet grandiose » et non d’un projet destiné aux applications domestiques ou à la petite et moyenne industrie (comme les fours solaires Trombe). THEMIS fut à la thermodynamique ce que CONCORDE fut à l’aviation civile ou « Superphénix » à l’industrie nucléaire : un concept qui n’avait aucune chance d’être rentabilisé. Une rêverie d’ingénieurs mégalomanes.