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Le 11 janvier 2004

1804-1904-2004 - L’épopée des chemins de fer : de la vapeur à la lévitation magnétique

1789 : James WATT prend brevet pour une locomotive sur rails destinée aux mines du Creusot. Mais à cause de la révolution qui secoue la France, le projet ne sera pas réalisé.

1803 : le Gallois Richard TREVITHICK et son cousin Andrew VIVIAN ont développé plusieurs modèles de locomotives routières depuis 1798. Le prototype de 1803, destiné à la traction sur rails, sera testé pour la première fois le 22 février 1804, à Merthyr Tydvil. Dans une lettre destinée à l’un de ses amis, Trevithick écrit notamment : « Hier, nous avons accompli notre voyage avec la machine : nous avons traîné dix tonnes de fer, cinq wagons et soixante-dix hommes montés sur ceux-ci pendant tout le trajet. C’est environ neuf milles que nous avons couverts en quatre heures cinq minutes, mais nous avons dû abattre quelques arbres et déplacer plusieurs rochers. La machine, en fonction, a marché à 5 milles à l’heure. On n’a pas ajouté d’eau dans la chaudière depuis le moment de notre départ jusqu’à ce que nous soyons arrivés à la fin du voyage. Le charbon consommé a été de 2 CWT… ».

Ce fut le premier « convoi » de l’histoire de la traction mécanisée.

Machine Trevithick 1803

La seconde locomotive de Trevithick servira de machine de démonstration en 1808. Elle circulera sur une voie circulaire implantée à Euston Square, près de Londres. Baptisée « Catch me who can » (Attrape-moi si tu peux), elle tirait un wagon où les curieux pouvaient faire quelques tours pour la somme de 6 shillings (5 shillings pour seulement la voir fonctionner).

1813-1814 : construction de la « Puffing Billy », la plus vieille des locomotives ayant été conservées dans leur état d’origine (elle est visible au « Science Museum » de Londres). Construite par William HEDLEY pour les charbonnages de Wylam, elle restera en service jusqu’en 1864. C’est en 1814 que Georges STEPHENSON teste sa première locomotive.

1823-1824 : George et Robert STEPHENSON créent, à Newcastle, la première véritable usine de construction de locomotives à vapeur. C’est en 1824 que sera construit le premier pont de chemin de fer sur le parcours allant de Stockton à Darlington. Les premiers tunnels seront édifiés en 1826, sur la ligne Liverpool-Manchester et en France, dans la vallée du Gier (ligne de Saint Etienne à Lyon). La première locomotive française, celle de Marc SEGUIN, circulera pour la première fois

le 7 novembre 1829. Les premiers essais sur le continent américain ne surviendront que le 8 août de la même année.

1833-1834 : les premiers « billets » de chemins de fer (jetons en cuivre) ayant été inventés en Angleterre en 1832, on commence à voir circuler des trains « de voyageurs » composés de voitures pouvant recevoir les caisses de diligences. En 1833, les premières voitures spécialement adaptées au transport des voyageurs font leur apparition sur la ligne qui relie Saint Etienne à Lyon (voitures à deux essieux et deux classes).

Saint Etienne-Lyon 1833

Les deux dessins, ci-dessus, représentent des trains de la ligne Saint Etienne-Lyon, vers 1833. Cette première ligne française avait la particularité de pouvoir fonctionner par gravité (sans locomotive) dans la direction de Lyon. Le « conducteur » se contentait de contrôler la vitesse de descente à l’aide des freins. Les locomotives de type Seguin ne servaient que pour remonter le pente, de Lyon vers Saint Etienne (dessin du bas).

1835 : La vitesse symbolique de 100 km/h est atteinte par une locomotive Sharp et Roberts circulant sur la ligne Liverpool-Manchester. Le 5 mai de la même année, le tout nouveau royaume de Belgique inaugure sa première ligne de chemin de fer, entre Bruxelles et Malines. Les Allemands en font autant le 7 décembre (ligne allant de Nuremberg à Fürth).

La première véritable ligne de chemin de fer française fut celle qui reliait Paris au Pecq (près de Saint Germain), laquelle fut inaugurée le 24 août 1837 par la reine Marie-Amélie. Sur cette ligne, les départs avaient lieu toutes les heures, de 7 heures du matin à 22 heures. Le tarif était de 1 franc en wagon, de 1,50F en diligence et de 2 francs en coupé.

C’est encore en 1835 que les premières locomotives sortiront des ateliers mécaniques de la région liégeoise. Ce sera le départ d’une longue tradition industrielle qui fera de la Wallonie une terre d’élection de l’industrie ferroviaire.

Liverpool-Manchester1835

Ci-dessus, dessin représentant un train de la ligne Liverpool-Manchester avec les différents modèles de wagons. C’est avec ce type de matériel que fut atteinte, pour la première fois, la vitesse de 100 km/h. Notons cependant que ce « record » n’avait rien de symbolique pour les Britanniques qui calculent en milles et pour qui 100 km/h représentent 62,15 milles par heure). Pour atteindre les 100 milles/h, il faut rouler à 160,9 km/h. Ci-dessous, la locomotive « Sharp et Roberts » qui circulait, en 1839, sur la ligne Paris -Saint Germain.

Loco Sharp&Roberts
Loco Le Belge 1835

Ci-dessus, la locomotive « Le Belge » sortie, en 1835, des ateliers de John Cockerill, à Seraing (région de Liège). Elle s’apparente aux machines proposées par plusieurs constructeurs britanniques dont Sharp et Roberts.

1843-1844 : C’est à un jour d’intervalle, les 2 et 3 mai 1843, que furent inaugurées les lignes reliant Paris à Orléans et Paris à Rouen. Elles constituèrent la véritable ébauche du réseau français, centré sur Paris. La même année, on inaugure la première liaison ferroviaire « internationale » entre Aix-la-Chapelle (Allemagne) et Liège (Belgique). C’est en 1844 que sera inaugurée la première gare française destinée aux marchandises (gare des Batignolles à Paris).

1853-1854 : C’est en 1853 que sera inauguré le premier chemin de fer urbain (« ou « tramway ») de la région parisienne. Il relie la place de la Concorde à Saint Cloud. La même année, les célèbres locomotives « Crampton » sont autorisées à rouler à 120 km/h. Elles seront les premières à tracter les trains dit « express » du London & Western Railway.

Crampton

Surpuissante pour l’époque, la machine créée par Thomas Russel CRAMPTON était un engin racé, au centre de gravité placé très bas, ce qui lui conférait une grande stabilité à toutes les allures. Ses immenses roues motrices (2,10 à 2,30 m de diamètre) étaient placées juste en arrière de la « boîte à feu », évitant les fâcheux porte-à-faux qui affectaient le comportement des machines du type « Stephenson ». Rien qu’en France, 300 Crampton furent construites entre 1849 et 1864. La dernière de ces locomotives roulait encore en 1895. Le 21 juin 1890, une vieille Crampton du PLM, avec 157 tonnes de charge, avait atteint la vitesse record de 144 km/h. En 1855, l’empereur Napoléon III revint de Marseille à Paris à la vitesse « commerciale » de 100 km/h dans un train composé d’une Crampton et de deux voitures. En 1964, le train express « Mistral » de la SNCF reliait Paris à Nice à la vitesse moyenne de 102 km/h !

Ci-dessous, une variante de la Crampton qui fut produite par les ateliers André Keochlin à Mulhouse. Elle porte le numéro de série 829 et la date de 1854. C’est la n°40 de la compagnie Paris-Lyon-Marseille (PLM). Il n’est pas impossible que ce soit l’une des locomotives qui ramenèrent Napoléon III de Marseille à Paris.

Crampton française

En 1850, le gouvernement autrichien avait lancé un concours industriel pour un type de locomotive capable d’assurer l’exploitation du tronçon le plus montagneux de la ligne Vienne-Trieste par le passage du Semmering. Les engins devaient pouvoir tracter 140 tonnes à la vitesse minimale de 11, 4 km/h pour des pentes pouvant atteindre 25 mm par mètre et pour des courbes de 190 mètres de rayon. Quatre machines furent retenues pour ce concours qui se déroula du 20 août au 16 septembre. Parmi les quatre engins sélectionnés, se trouvait la « Seraing » des ateliers Cockerill. Ce modèle consistait en deux locomotives réunies dos à dos, à deux cylindres chacune et foyer commun. C’est toutefois la « Bavaria », construite à Munich, qui fut classée première. Cette machine n’avait pas moins de 14 roues motrices (dont les six roues du tender).

Le dessin reproduit ci-dessous est celui de la « Seraing » qui reçut le second prix du concours. Cette machine préfigure les machines doubles et articulées conçues pour les lignes de montagne et les trains très lourds (système Mallet).

Loco Seraing 1850

1863-1864 : Mise en service, dès 1863, des premières voitures-restaurants sur la ligne Philadelphie-Baltimore (USA). C’est au cours de cette même année que sera inauguré le première section du « chemin de fer métropolitain » de Londres, l’ancêtre de tous les « métros ». En 1864, le Français Cazal fait breveter un moteur électrique qui s’accouple directement à l’essieu d’un véhicule.

1873-1874 : Mise en service, en France, des premiers wagons frigorifiques pour marchandises périssables. Sur le réseau de l’Est, on teste un système de chauffage des voitures pour voyageurs avec des canalisations où circulent de l’eau chaude.

1883-1884 : L’électricité commence à s’imposer comme force motrice. Le premier tramway électrique a été mis en service en 1881 (à Berlin par Siemens et Halske) et, en 1882, on commence à éclairer les gares françaises avec des ampoules électriques (la première fut la gare Saint Lazare à Paris). En 1883, la compagnie PLM et la compagnie du Midi font procéder aux premiers essais de traction électrique.

C’est le 5 juin 1883 que sera inauguré le premier train de luxe international, le prestigieux et célèbre « Orient Express » (Paris-Vienne-Budapest-Bucarest-Giurgevo-Roustschouk-Varna-Constantinople).

Le dessin, ci-dessous, représente cet express de grand luxe, tel qu’il était composé en 1883, avec ses deux voitures-lits, sa voiture-restaurant et ses deux fourgons à bagages. La photo montre une locomotive du chemin de fer de l’Est, du genre de celles qui furent construites, dès 1878, pour remorquer les trains express de la ligne Paris-Belfort. C’est une machine de ce type qui fut mise en tête du premier « Orient Express »

Orient Express 1883
Machine Orient Express

1893-1894 : la première véritable locomotive électrique a été construite en Suisse, en 1891, par les ateliers Oerlikon. Le premier « locotracteur » électrique sur rail fut toutefois celui de que Siemens et Alske firent circuler lors de l’Exposition de 1879, à Berlin. En 1892, les réseaux français de l’Ouest et de l’Est expérimentèrent un système d’éclairage électrique des voitures (à l’aide de batteries).

En 1893, le réseau du Nord expérimente, pour sa part, une locomotive électrique à accumulateurs. Ces essais seront peu concluants mais n’empêcheront pas la compagnie PLM de tester une locomotive du même genre construite selon les plans d’Auvert, l’un des ingénieurs de la compagnie. Avec une charge de 100 tonnes, la locomotive électrique Auvert atteignait la vitesse de 75 km/h, ce qui était très inférieur aux performances atteintes par les meilleures locomotives à vapeur. Les essais de traction électriques se poursuivirent en 1894 dans la banlieue parisienne (ligne Saint Germain Etat – Saint Germain Ceinture). Ci-dessous, une photo représentant la locomotive électrique Auvert à accumulateurs.

Loco à accus Auvert

A la même époque, la locomotive Heilmann fut la première à proposer un système mixte. Elle comportait, à l’arrière, un système de chauffe traditionnel et une machine à vapeur qui entraînait deux dynamos génératrices, une excitatrice et les appareillages de manœuvre. L’avant de la machine, qui contenait le poste de pilotage, était caréné pour diminuer les effets de la résistance de l’air. Le courant produit par les génératrices entraînait huit moteurs (un par essieu). Cette locomotive originale fut l’ancêtre de tous les engins autonomes de type « diesel-électrique » (ou à turbine) que nous connaissons aujourd’hui.

Locx
Loco Heilmann

Ces deux documents permettent de bien comprendre la disposition des organes de la locomotive électrique Heilmann à générateur autonome. La section « vapeur » est à l’arrière tandis que les générateurs électriques se situent vers l’avant. Chaque essieu est entraîné par un moteur à courant continu.

Les premiers services réguliers de trains électriques seront proposé, dès 1895, par le New York, Newhaven and Hartford Railroad.

Les premiers tramways électriques alimentées en courant alternatif font leur apparition à Lugano, en 1896 (année de l’invention du moteur à combustion interne par l’Allemand Diesel).

En 1897, on met en circulation, aux Etats-Unis, les premières rames électriques à unités multiples réversibles. Cette solution deviendra classique pour les trains urbains et de banlieue.

En France, les premiers véritables trains électriques seront mis en service en avril et mai 1900 sur les lignes Paris Invalide – Les Moulineaux (courant continu 650 V) et Paris Orsay – Paris Austerlitz (alimentation par fil aérien en 1500 V CC). C’est le 14 juillet de la même année que sera inaugurée la première ligne du métro parisien.

1903-1904 : C’est en 1903, sur la ligne expérimentale de Marienfeld-Zössen, qu’une rampe automotrice construite par les firmes allemandes Siemens et AEG va atteindre la vitesse, phénoménale pour l’époque, de 213 km/h. Elle était alimentée en courant triphasé (10 kV/45 Hz) par un système de caténaires et de frotteurs. Ce record du monde de vitesse sur rails ne sera battu qu’en 1954 (le 2 février par la CC-7121 de la SNCF qui roulera à 243 km/h en tractant trois voitures soit une charge de 111 tonnes). En 1939, les meilleurs « Pacific » à vapeur parvenaient à peine à dépasser le seuil des 200 km/ (202 km/h pour une « Pacific » carénée de fabrication anglaise).

Automotrice Siemens 1903
Automotrice Siemens 1903-2

Ci-dessus, deux belles photographies de l’automotrice Siemens-AEG qui a détenu le record absolu de vitesse sur rail pendant un demi-siècle (1903-1954). On remarque les trois frotteurs décalés qui alimentaient les moteurs en courant alternatif triphasé.

Dès 1904, les premières locomotives à courant triphasé circulèrent sur les réseaux suisses et italiens.

Ci-dessous, une locomotive suisse à courant monophasé de 1904. C’est sur la ligne de la Valteline que l’on vit apparaître, en 1904, les premières locomotives électriques adaptées aux convois lourds de marchandise.

Loco électrique suisse 1904

Loco Auvert et Ferrand 1911

Prototype « Auvert et Ferrand » réalisé pour le compte de la PLM entre 1911 et 1913. C’est un engin réversible à courant monophasé 25 Hz qui consistait en deux locomotives couplées dos à dos, un peu comme la « Seraing » de 1850. Bon nombre de locomotives électriques pour trains lourds seront conçues sur ce principe.

1913-1914 : En 1913, la firme suisse Oerlikon livre la plus puissante locomotive électrique du monde aux chemins de fer du Lötschberg. Elle sera exploitée sur le première ligne de montagne entièrement électrifiée. En France, la ligne « Villefranche-Perpignan » sera, la même année, la première à être alimentée en courant alternatif.

Loco Oerlikon 1913

En 1913, cette locomotive Oerlikon à moteur monophasé de 1800 kW était la plus puissante du monde. Elle était alimentée sous 15 kV (16 Hz 2/3) et pouvait, sur une voie de montagne, tracter des trains lourds à la vitesse de 80 km/h.

On peut dire que, dès 1913, la traction électrique s’est imposée techniquement par rapport à la traction mécanique. Cependant, la guerre va interrompre les recherches en cours et le développement du nouveau matériel et ce, pendant plus de dix ans.

1923-1924 : mise en service, par la compagnie Paris-Orléans, d’automotrices électriques qui seront exploitées jusqu’à la fin des années 60 sur les lignes Paris-Etampes et Paris-Dourdan (Photo ci-dessous).

En 1926, la ligne à voie étroite Villefranche – Vernet les Bains – La Tour de Carol est dotée d’éléments automoteurs spécialement adaptés à cette ligne de montagne. Ces voitures à trois classes continuent à être exploitées sur cette ligne touristique dite « du train jaune ». Elles attestent de la très grande robustesse du matériel électrique pour traction ferroviaire. La gare de Latour-de-Carol est la seule, en France, qui soit équipée pour recevoir des trains pour voie étroite, voie standard et voie à la norme espagnole.

automotrice PO 1924

1933-1934 : Le 15 mars 1933, mise en service du premier train automoteur rapide diesel-électrique sur la ligne Berlin-Hambourg. Cette rame articulée, nommée « Fliegende Hamburger » (le « Hambourgeois volant »), était semblable à celles qui vont se généraliser par la suite pour aboutir aux rames de type TGV. Elle pouvait rouler à 175 km/h. Le 30 juillet de la même année, la France met en service l’automotrice rapide Bugatti sur la ligne Paris-Dauville. Avec son moteur à essence, cette automotrice permettait d’assurer une vitesse d’exploitation maximale de l’ordre de 114 km/h. Depuis 1931, les chemins de fer de l’Ouest exploitaient aussi des autorails Michelin montés sur pneus, vite surnommés « michelines ».

En 1934, la compagnie du Nord mettra en service régulier, entre Paris et Lille, des trains automoteurs rapides (TAR) dont les rames à trois voitures était propulsées par deux moteurs Diesel de 400 CV actionnant les génératrices qui alimentaient les moteurs électriques à courant continu. Extérieurement, ces rames françaises ressemblaient beaucoup aux rames du « Fliegende Hamburger » (dont photo ci-dessous).

Hamburger volant 1933

La première ligne française « long parcours à avoir été entièrement- électrifiée fut la ligne Paris-Bordeaux (inaugurée le 13 décembre 1938). Sur cette ligne, les trains rapides tirés par des 2-D-2 de 3.600 CV avaient une vitesse d’exploitation d’environ 100 km/h.

Années 40 : ces années furent perturbées par la seconde guerre mondiale. C’est cependant en 1941 que fut expérimenté le premier « turbotrain » doté d’une turbine à huile lourde. Il avait été construit par Brown-Boveri et les essais s’étalèrent sur treize années. Ce premier turbotrain a parcouru 380.000 km sans incidents et il a démontré que la turbine est le moteur le plus léger cependant que son rendement n’a pas encore été dépassé par un autre type de motorisation. Les Britanniques ont, par la suite, expérimenté des turbines alimentées par de la poussière de charbon cependant que les industriels français développaient des turbines à gaz dérivées de celles qui équipent les hélicoptères. Les essais français déboucheront sur la conception du TGV 001 équipé de turbines Turmo, prototype qui roulera à 318 km/h en décembre 1972.

Ci-dessous, le prototype américain M-497 doté de deux turbines d’aviation montées sur le toit de la motrice (années 70).

turbo train M497

1953-1954 : les essais de traction en courant alternatif 50 Hz reprirent, en France, à partir du 1er juillet 1950 (sur la ligne Aix les bains – La Roche sur Foron) et, le 4 septembre 1952, avaient eu lieu les premiers essais d’une locomotive à turbine à gaz.

Le 2 février 1954, la locomotive électrique CC-7121 bat le record détenu par l’automotrice Siemens-AEG depuis 1903. Les 18 et 23 mars 1955, la CC-7107 et la BB-9004, remorquant trois voitures (103 tonnes) battent le record détenu par la CC-7121 en roulant à 331 km/h. C’est la première fois qu’un véhicule sur rail roule à plus de 300 km/h et à plus de 200 milles/h.

Records 1955

Sur la ligne des Landes, entre Facture et Morcenx, les deux locomotives électriques de la SNCF portent le record du monde de vitesse sur rail à 331 km/h. A gauche, la BB-9004 et à droite la CC-7107.

En 1953, la SNCF s’était dotée de rames automotrices à grande capacité (jusqu’à 400 voyageurs par élément) pour ses services de banlieue. Elles pouvaient atteindre les 120 km/h. Elles succédaient aux rames doubles, dites «automotrices Budd » acquises en 1938. Des rames doubles à forte puissance avaient aussi été commandées en 1938 pour la ligne Toulouse-Tour de Carol et pour la ligne Bordeaux-Hendaye. A cause de la guerre, seuls deux de ces rames furent livrées en 1947. Certaines rames des années 50 sont toujours en exploitation sur des lignes secondaires.

TEE 1954

C’est en 1954, sur proposition des chemins de fer néerlandais, que fut décidée la création de rames légères pour liaisons express entre capitales européennes. Ce réseau fut baptisé « TEE » (Trans Europ Express). Au début des années 60, il comportait 18 trains portant des dénominations spéciales : Le Brabant, l’Oiseau Bleu, L’Ile-de-France, L’Etoile du Nord, Le Paris-Rhur, Le Parsifal, L’Arbalète, Le Cisalpin, le Mont-Cenis, Le Ligure, l’Edelweiss, l’Helvetia, le Ticino, le Gottardo, le Mediolanam, le Lemano, Le Saphir et le Rhein-Main. Le réseau TEE exploitait différents types de rames portant toutes le sigle TEE et les mêmes couleurs (Bordeaux et crème). Ci-dessus, la rame TEE allemande de la série VT11.5, à sept éléments pour une longueur totale de 130 mètres. Dotée d’une motrice à chaque extrémité, sa puissance était de 2 x 1100 CV (moteurs diesel et transmission hydraulique). Et elle pouvait transporter 120 passagers à la vitesse maximale de 160 km/h. Les rames allemandes, hollandaises et suisses comportaient une voiture bar-restaurant tandis que, dans les rames françaises et italiennes, les repas étaient servis à la place (comme dans les voitures TGV de première classe).

1963-1964 : La SNCF réceptionne les locomotives électriques quadri-courant de type CC-40100. Fabriquées par Alsthom et la société des Ateliers de construction électrique de Jeumont, ces machines d’un poids de 100 tonnes ont une puissance de 3.340 kW et son destinées aux trains rapides de la ligne Paris-Bruxelles-Amsterdam. Leur vitesse commerciale moyenne est de l’ordre de 124 km/h avec des pointes autorisées à 160 km/h. Certains exemplaires de cette machine ont pu atteindre 240 km/h avec des rapports d’engrenages différents.

rame SNCF quadri courant

Dès octobre 1964, les rames à grande vitesse de la ligne du Tokaïdo (Japon ) relient Tokyo à Osaka (515 km) en moins de trois heures. Les rames « Shinkansen » (Nouvelle Grande Ligne), et dérivées, sont les plus économiques de toutes les rames TGV construites à ce jour. Le Japon a peu de ressources énergétiques propres et les ingénieurs nippons sont passés maîtres dans l’art de concevoir des trains rapides, fiables et peu gourmands en énergie électrique. Une rame japonaise peut, à vitesse égale, consommer jusqu’à trois fois moins d’électricité que certaines rames construites par Alsthom. Ci-dessous, trois versions du Shinkansen. On remarque l’évolution depuis les premiers modèles de la série 0 (à droite) des années 60 jusqu’à la série 300 « Nozomi » des années 90 (à gauche) en passant par la série 100. On est passé de 210 à 275 km/h pour la vitesse maximale autorisée (la série 300 peut rouler à 325 km/h « en pointe »).

Shinkansen

1973-1974 : C’est à cette époque que furent mis au point les rames françaises de type « ETG » (Elément à Turbine à Gaz) dotés de deux turbines Turmo d’hélicoptère de 940 ou 1100 kW chacune couplées à un alternateur débitant un courant alternatif de 200 Hz de fréquence. La première de ces rames fut mise en service en 1970 sur la ligne Paris-Cherbourg. Elle pouvait atteindre les 160 km/h et réduisait la durée du parcours d’une heure. Par la suite, les 16 turbotrains de 200 places purent atteindre la vitesse maximale de 200 km/h.

Quatre turbines du même type, accouplées par deux, furent utilisées pour la motorisation du TGV 001, cette rame dite « Turbine à Grande Vitesse » qui pouvait emporter 387 passagers et qui atteignit la vitesse de 318 km/h le 8 décembre 1972. A 300 km/h, la consommation de ce tout premier TGV était de l’ordre de 8 litres de carburant au kilomètre, soit une moyenne de 2 litres par voyageur et pour 100 km. Par la suite, la solution « turbines » fut abandonnée au profit d’une motorisation électrique classique, beaucoup moins fiable et moins économique.

A titre indicatif, nous rappellerons qu’un train dont la masse est de 500 tonnes appellera une puissance électrique d’environ 2.800 kW lorsqu’il roule à 200 km/h. Pour le même train, la puissance appelée sera de 8.000 kW à 300 km/h et de 16.000 kW à 400 km/h. A 500 km/h, elle atteindra les 40.000 kW. De 200 à 500 km/h, la consommation électrique aura donc été multipliée par 14, 28 pour une même masse à déplacer. La grande vitesse, ça coûte cher, très cher !

C’est encore au début des années 70 que furent testés les premiers systèmes de pendulation. Ils donneront notamment naissance au « Pendolino » des chemins de fer italiens (ci-dessous).

Pendolino

Ci-dessous, la rame expérimentale « TGV 001 » qui est l’ancêtre de tous les TGV français. Equipée de quatre turbines Turmo, elle roula à plus de 300 km/h dès 1974. Sa consommation en énergie était très raisonnable.

TGV 001

1983-1984 : la première ligne « TGV » de la SNCF fut inaugurée le 27 septembre 1981 sur le trajet Paris-Lyon. Elle ne sera toutefois entièrement terminée qu’en 1983. C’est seulement à partir de cette année-là que l’on peut véritablement parler de « grande vitesse » en France. Et il faudra attendre 1989 pour qu’un véritable « réseau » commence à se structurer avec la ligne « Atlantique » qui reliera d’abord Paris à Rennes. Il faudra encore attendre dix ans pour que le réseau Nord soit véritablement opérationnel.

A la même époque, le réseau Shinkansen est déjà très développé au Japon. Dans ce pays, le chemin de fer avait vu le jour en 1872, entre Tokyo et Yokohama. Ci-dessous, un wagon de seconde classe des Chemin de Fer japonais, au début du XX siècle.

un wagon de seconde classe des Chemin de Fer japonais, au début du XX siècle

Le premier projet de « train à grande vitesse » avait été présenté au parlement japonais en 1940. Baptisé « train obus », il s’inspirait très nettement d’un prototype allemand des années 30. Il devait rouler à 200 km/h. La guerre fit interrompre les travaux d’infrastructure (entre Tokyo et Shimonoseki) en 1943. Ils ne reprendront pas avant 1958. La photo reproduite ci-dessous n’est pas celle d’un Shinkansen série 0, c’est celle du « Schienen-Zeppelin » (surnommé « Zeppelin sur rails » par la presse), un prototype allemand qui fit ses premiers essais près de Hanovre, en 1930. Long de 26 mètres, cet automoteur était propulsé par une hélice à quatre pales disposée à l’arrière. La cabine pouvait recevoir une cinquantaine de passagers. Son moteur BMW de 500 CV permettait déjà d’atteindre 180 km/h en ligne droite. C’était, à l’époque, la vitesse de croisière d’un avion emportant le même nombre de passagers mais ayant recours à un moteur de 2.000 à 2.500 CV. On notera surtout que les Japonais ont copié l’aérodynamisme de cet engin pour dessiner leurs premiers Shinkansen.

zeppelin sur rail 1930

Des engins dérivant de ce « Zeppelin sur rails » furent développés, mais sans succès commercial, par l’ingénieur français Bertin. Les « aérotrains » de Bertin présentaient l’inconvénient d’exiger des voies très différentes des voies classiques de chemin de fer. Ils étaient aussi passablement bruyants.

Actuellement, le réseau ferroviaire japonais se répartit entre trois grandes compagnies (plus une quatrième qui n’exploite pas de réseau propre : JR Freight) et il totalise plus de 15.000 km de voies. On y emploie plus de 160.000 personnes. La seule ligne dite « du Tokaido » transporte chaque jour entre 350.000 et 400.000 passagers (dont 70% voyagent à titre professionnel). Selon les jours, il y circule entre 288 et 312 trains en l’espace de 24 heures. Pour les 28 premières années d’exploitation, on a calculé que 3,2 milliards de passagers avaient été transportés sur cette ligne sans le moindre accident, alors que les trains se suivent parfois à moins de quatre minutes d’intervalle. Les rames Shinkansen sont dotées d’un radar dans leur nez.

1993 – 1994 : La ligne TGV Nord est ouverte entre Paris et Arras le 23 mai 1993. Le 26 septembre, la ligne est terminée jusqu’à Lille. Par la suite, le réseau Nord ira jusqu’à Calais et sera prolongé jusqu’en Angleterre via le tunnel sous la Manche (ligne Paris-Londres dites « Eurostar ») et sera prolongé vers Bruxelles et Liège (réseau Thallys à grande vitesse vers Bruxelles et hybride vers Liège). Lille est à présent à une heure de Paris. En 1846, les premiers trains qui reliaient la capitale française à la métropole du Nord mettaient 7 heures et 50 minutes pour faire le trajet. La durée du voyage n’était déjà plus que de 5 heures 45’ en 1851 et de 4 heures en 1882. Elle était de 2 heures 55’ en 1903 et de 2 heures 25’ en 1938 (matériel diesel). En 1971, il fallait encore une heure et 55 minutes pour aller de Lille à Paris.

Au Japon, de nombreux modèles de trains à grande vitesse ont pris la suite des premiers Shinkansen. En octobre 1992, le prototype du « Star 21 » a atteint la vitesse de 350,4 km/h tandis que le « Win 350 », aux allures de couleuvre, roulait à 345, 8 km/h la même année. Quant aux rames de la série 400, dites « Tsubasa » (« ailes » en Japonais), elle furent mises en service en juillet 1993. Lors d’une marche d’essai, en septembre 1991, ce matériel avait roulé à 345 km/h. Ce matériel, surnommé « mini Shinkansen », a été spécialement conçu pour circuler sur la très difficile ligne de montagne qui va de Fukushima à Yamagata (avec déclivités atteignant le 33 pour mille). Sur cette « ligne principale d’Ou », les « Tsubasa », dont la vitesse commerciale est de 240 km/h sur la ligne « classique » du Tokohu Shinkansen, atteignent quand même la vitesse très honorable de 130 km/h. Ces rames circulent en unités multiples jusqu’à Kukushima et en solo de Fukushima à Yamagata.

Ci-dessous, le « Win 350 » ou « Shinkansen série 500 » des JR West. Avec sa tête de couleuvre et sa caisse surbaissée, c’ est sans conteste le train le plus aérodynamique qui ait été produit à ce jour. Il a été affecté à la ligne Tokyo-Hakata. Il est fabriqué par les usine Kawasaki de Kobé.

Win 350

Aujourd’hui et demain : Très pragmatiques, les Japonais n’ont jamais tenté de battre des records de vitesse sur rail. Ils savent parfaitement qu’il ne sert à rien de faire rouler un TGV à plus de 400 km/h puisque la vitesse commerciale, limitée par la distance qui sépare les gares, ne peut gère dépasser les 300 km/h. Ils ont donc développé des matériels spécifiques à chaque type de ligne et peu gourmands en énergie.

Par contre, ils s’intéressent de près aux trains à lévitation magnétique, tout comme les Allemands. Ici encore, on retrouve le couple « Allemagne-Japon » à la pointe de la recherche et du développement. Bien que le principe de la propulsion magnétique ait été imaginé par l’ingénieur français Bachelet au début de 1914 (il avait présenté son prototype sous forme de modèle réduit en mai 1914), il sera breveté par l’Allemand Hermann Kemper en 1934. Ce procédé refera son apparition à la fin des années 60. C’est en effet en 1967 que va naître le groupement industriel « Transrapid » dont l’objectif est de développer le système de glissement magnétique EMS (Elektromagnetisches Schwebesystem). La voiture lourde « Transrapid 02 » (photo ci-dessus), munie de 16 aimants et pesant 11 tonnes atteint la vitesse de 164 km/h dès 1971. Le modèle 04, pesant 18 tonnes, dépassera les 250 km/h (253) sur la piste expérimentale de Munich-Allach.

Transrapid O2

Dans le même temps, les Japonais du groupe Hitachi expérimentent leur « Maglev » (abréviation pour « Magnetically Levitated »). En décembre 1979, leur prototype ML 500 atteint la vitesse de 517 km/h (sans homme à bord) en lévitant à une dizaine de centimètres au-dessus d’une voie spéciale en profil de « T renversé ». L’année suivante, les ingénieurs optent pour une voie « en U » et construisent un nouveau prototype, le MLU 001, d’abord réalisé sous l’aspect d’un engin monocaisse puis adapté pour devenir un véhicule articulé à deux caisses. Le MLU 002, présenté en juin 1987, était long de 22 mètres, pesait 19 tonnes et pouvait emporter 44 passagers. Il sera détruit par un incendie en octobre 1991. En 1997, les Japonais inaugurèrent la ligne test Yamanashi (ci-dessous) où le Maglev atteindra la vitesse de 552 km/h.

Maglev 1

Les rames à sustentation magnétique utilisent des aimants supraconducteurs pour assurer l’effet de lévitation, à raison de quelques 3 à 5 kW pour une distance de 10 à 15 cm et par tonne de masse. Pour une rame dont la masse serait de 500 tonnes, il faudrait donc 1.500 à 2.500 kW pour assurer la sustentation, puissance à laquelle il faut ajouter celle des moteurs linéaires de propulsion. On pourrait, de la sorte, propulser la masse de 500 tonnes à 500 km/h en appelant moins de 8.000 kW (5 à 6 fois moins de consommation que pour une rame classique).

Cette technologie a cependant de gros inconvénients découlant de la présence d’un champ magnétique très élevé à l’intérieur de la rame. Cette induction pourrait provoquer de graves troubles de la santé chez les personnes qui y seraient exposées (voyageurs, conducteurs, personnel commercial,…).

Actuellement, d’aucuns envisagent de recourir à la lévitation magnétique pour concevoir des lignes de très grande longueur (plusieurs milliers de kilomètres) où les rames pourraient atteindre des vitesses supersoniques. Tel est notamment le projet « TTS » (Tube Train System) qui consiste en un tube à l’intérieur duquel les trains pourraient, en théorie, atteindre la vitesse maximale de 3.700 km/h. C’est en effet de la pure théorie car il faut tenir compte des accélérations et décélérations que le corps humain peut supporter (en sus des effets du champ magnétique). Si l’on admet qu’il ne faut pas dépasser 0,1 G, une ligne transatlantique de ce type amènerait le TTS à accélérer pendant 6 à 7 minutes, à adopter sa vitesse de croisière pendant une heure et dix minutes et à décélérer pendant quatorze à quinze minutes. Soit une durée totale d’un peu plus d’une heure et demie pour relier la côte européenne à la côte américaine. Les promoteurs du projet TTS estiment que la pose du « tube » au fond de l’Atlantique coûterait une cinquantaine de milliards d’euros (sans compter les reste du matériel).

Comme pour les Transrapid, et autres Maglev, la question qui se pose est de savoir quelles seraient les conséquences d’une exposition de longue durée à des champs magnétiques très puissants.