1852 : Il y a 150 ans, débutait la grande révolution industrielle – Henry Bessemer, autodidacte de génie change la face du monde.
C’est à la fin de 1851, qu’un petit industriel américain, nommé Kelly, annonça avec fracas qu’il avait trouve le moyen de produire de l’acier sans avoir besoin de combustible. A l’époque, les métallurgistes yankees le prirent pour un fou et il fut obligé de procéder aux essais de son " convertisseur " (imaginé dès 1845) dans une région reculée, sans aucun appui financier. Il ne sera en mesure de prendre un brevet qu’en 1856, juste après que l’inventeur britannique Bessemer ait obtenu un brevet américain pour son propre convertisseur.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, les deux hommes ne se connaissaient pas et avaient eu la même idée à peu près au même moment à plus de 8.000 km l’un de l’autre.
Henry Bessemer, né à Londres le 18 janvier 1813, était le fils d’un petit industriel qui possédait une fonderie de caractères d’imprimerie. Intelligent et fort débrouillard, il préférait courir dans les champs et rôder dans la petite usine paternelle plutôt que fréquenter l’école où on le considère comme un élève paresseux et peu discipliné.
Dès son plus jeune âge, il s’amuse à fabriquer des statuettes avec des alliages qu’il prépare lui-même dans un coin de la fonderie familiale. Toutefois, arrivé à l’âge de dix-sept ans, il n’a aucun diplôme. Ce qui ne l’empêche nullement de s’associer à un petit manufacturier de Londres pour qui il a inventé un procédé permettant d’imiter le velours de Gênes avec du velours uni. Dans la foulée, il invente aussi une machine qui préfigure les linotypes (son prototype sera détruit par les typographes du Family Herald qui craignaient pour leurs emplois), une machine à oblitérer les lettres (qui sera copiée un peu plus tard par l’administration postale anglaise) et un procédé permettant de produire de la poudre à dorer à faible coût.
Il vivra de ces diverses inventions jusqu’au milieu du XIXe siècle. En 1854, il invente un obus à ailettes – précurseurs des obus modernes – qu’il s’enhardira à présenter à l’empereur Napoléon III (lui-même ancien officier d’artillerie de l’armée suisse). Napoléon III, qui se trouve alors engagé dans la guerre de Crimée aux côtés des britanniques, se déclare intéressé par l’idée de Bessemer et le recommande aux services de l’artillerie française installés à Vincennes. Eux-aussi sont intéressés par cet obus révolutionnaires mais ils ne disposent d’aucun canon capable de tirer un tel projectile. Bessemer s’engage alors à mettre au point ce canon.
Pour cela, il doit disposer d’acier de bonne qualité en grande quantité. Or, à cette époque, la production de l’acier est encore artisanale. Elle se fonde toujours sur le vieux procédé de l’horloger anglais Huntsman qui remonte au début du XVIIIe siècle et qui perme-t tout juste de fabriquer des ressorts de montres et des objets de petite dimension. C’est un procédé coûteux car il nécessite de faire fondre du fer avec du charbon dans un creuset d’où une grande consommation de combustible pour une production réduite. En 1851, la production mondiale d’acier ne dépassait guère les 60.000 tonnes. Impossible, dès lors, de recourir à l’acier pour fabriquer des canons. Et depuis des décennies, les meilleurs ingénieurs et les plus grands chimistes n’avaient pas trouve la solution permettant de produire de grandes quantités d’acier à faible coût.
Henry Bessemer, qui n’entend rien à la chimie et dont les connaissances sont celles d’un bon contremaître, s’attaquera pourtant à ce problème apparemment insoluble. Et un beau jour de 1855, il va, presque par hasard, produire une petite quantité d’acier dans un creuset où il a fait fondre de la fonte dont il accélérait la fusion à l’aide d’un jet d’air froid. Intrigué, il finira par accepter l’idée que c’est bien le jet d’air froid qui avait élevé la température de la fonte en permettant la combustion du carbone qu’elle contenait en excès. D’où la formation d’acier là où le jet d’air traversait la fonte fondue.
Il construisit alors un four expérimental cylindrique de 1m,20 de diamètre comportant six tuyères d’injection de l’air. Et le 12 août 1856, après avoir pris brevet, il annonça sa trouvaille au public et aux industriels anglais. Les premières tentatives de production industrielle furent cependant très décevantes car l’acier produit avec de la fonte anglaise se révéla cassant et criblé de bulles d’air. Robert Mushet, fils d’un fondeur de Dean, lui conseilla alors d’ajouter un élément " dégazéifiant " à la fonte (un alliage de manganèse et de fer connu sous le nom de " spiegel "). Par ailleurs, le Suédois Goransson – qui avait acheté une licence Bessemer – avait réussi à produire un très bon acier en utilisant une fonte suédoise dont la teneur en phosphore était beaucoup plus faible que celle produite avec les minerais anglais.
En ma i 1859, les problèmes étaient résolus mais les métallurgistes britanniques ne voulaient plus entendre parler du procédé Bessemer. L’inventeur autodidacte résolu alors de construire sa propre fonderie à Sheffield. C’est là que le premier " convertisseur Bessemer " fut mis en service. Il avait sa forme quasi-définitive de cornue montée sur un axe horizontal permettant de la faire basculer pour la charger et recueillir l’ acier en fin de processus.
La production de la première année se solda par un déficit de 15.000 francs-or mais, dès 1860, l’aciérie de Sheffield faisait 250.000 francs de bénéfice. Cinq ans plus tard, les bénéfices atteignaient déjà la fort coquette somme (pour l’époque) de 750.000 francs.
Dès 1858, le procédé Bessemer avait franchi la Manche pour être mis en œuvre à Saint-Seurin (Gironde) et dans l’usine exploitée à Essen par la famille Krupp. Aux Etats-Unis, la première coulée fut entreprise en 1864.
Dès lors, l’acier cessa d’être un métal de luxe pour devenir un produit bon marché. C’est ce qui permettra l’essor de l’industrie lourde, des chemins de fer, de la production automobile mais aussi de l’armement. C’est au cours de la guerre de 1870 que l’on vit les premiers canons en acier sur les champs de bataille, ceux des Krupp pour la Prusse et ceux des Schneider pour la France.
L’invention d’Henry Bessemer fut de celles qui changèrent véritablement la face du monde, l’une de celle qui permit aux pays du bloc " occidental " d’imposer leurs principes politiques et économiques dans le monde entier. Elle permit aussi d’améliorer le sort de certains travailleurs de la métallurgie (comme les ouvriers des fours à puddler qui gagnaient moins d’ une livre pour douze heures d’un travail exténuant qui les faisait mourir avant d’avoir atteint 50 ans) mais sera, dans le même temps, à l’origine du développement de l’industrie lourde et de la prise de conscience prolétarienne. C’est ainsi que le socialisme naîtra à peu près à la même époque que l’acier bessemer.
A peu près au même moment, un autre autodidacte de génie, le belge Zénobe Gramme, inventait des dynamos et des moteurs électriques permettant d’utiliser la force motrice électrique sur le plan industriel. C’est à des " machines Gramme " qu’un autre industrie métallurgique, celle de l’aluminium, devra son essor.
Henry Bessemer accumula une énorme fortune grâce à son convertisseur mais continua cependant à inventer. Sa dernière trouvaille fut un navire anti-roulis dont le prototype fut assez décevant. Il devint " Sir " Henry par la grâce de la royauté et s’éteignit dans sa magnifique propriété de Denmark Hall, près de Londres, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans (le 15 mars 1898).
Avec quelques grands noms de la physique (comme Davy, Faraday, Ampère ou Gramme), Bessemer fut de la race des grands autodidactes. Il préfigure Thomas-Alva Edison, l’inépuisable inventeur américain, l’homme au mille brevets qui, lui non plus n’avait pas eu l’occasion de fréquenter l’école. On peut ainsi citer une dizaine de véritables autodidactes qui firent bien plus pour la science et la technique que des milliers d’ingénieurs et d’universitaires sortis des " grandes écoles ". On pourrait aussi citer le cas de Louis Pasteur, père incontesté de la bactériologie et de la vaccination ( qui n’était pas médecin et eut à affronter les sarcasmes et les entraves de l’Académie de médecine) ou encore, plus près de nous, le père de la théorie de la tectonique des plaques qui n’avait aucune formation en géophysique et en géologie (il était météorologiste de profession).
Ces quelques exemples démontrent que des hommes qui n’avaient pas fait d’études (ou qui n’avaient pas étudié un domaine particulier) ont pu faire faire des pas de géant à la science et à la technique. Cette remarque vaut pour toutes les disciplines, y compris pour les sciences dites " humaines ", pour la littérature, pour les Beaux-Arts, pour l’histoire et, bien évidemment, pour la politique.
Que l’on cesse donc de nous assommer avec les titres ronflants dont les " sommités ", " autorités académiques " et autres " experts " aiment tant se parer, tels des paons vaniteux. Les titres et les diplômes ne veulent strictement rien dire et les lois statistiques nous enseignent que l’on trouvera à peu près le même pourcentage d’imbéciles dans un échantillon de 100 diplômés de l’X ou de l’ENA, dans un autre de 100 ministres (ou anciens ministres) et dans un troisième composé de 100 balayeurs municipaux.
Autant savoir, non ? DD
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