Lorsquen 1980, jai rédigé, pour le compte de lassociation européenne que je venais de fonder, un premier dossier dinformation ayant trait aux nuisances électromagnétiques non ionisantes, je lai intitulé « Ces ondes qui nous feront mourir un jour », un titre volontairement « accrocheur » qui était destiné à sensibiliser les décideurs, la presse et lopinion publique sur cet aspect très méconnu de la détérioration de notre cadre de vie ou, comme disent les « écolos », de notre environnement.
Toutefois, si javais voulu tenir compte de la réalité concrète, jaurais dû accorder le verbe, non au futur mais au présent. Car, en ce tout début des années 80, il y avait déjà belle lurette que les ondes faisaient mourir des hommes, des femmes, des enfants et toutes sortes despèces animales et végétales.
Mort plus ou moins involontaire pour les victimes dune pollution électroma-gnétique qui sest considérablement accrue depuis la fin de la seconde guerre mondiale, mais aussi mort provoquée délibérément pour les être humains et les animaux qui servirent de cobayes pour la mise au point des armes qui entrent dans la catégorie des armements antipersonnel « à énergie dirigée », catégorie qui regroupe les armes basées sur les effets biologiques néfastes des radiofréquences, des hyperfréquences (ou « micro-ondes »), des fréquences dites « optiques » (infrarouges, lumière visible et ultraviolets) mais aussi des basses et très basses fréquences électromagnétiques (armes ELF-SLF-ULF-VLF). Et si les victimes de la pollution EMNI (ElectroMagnétique Non Ionisante) sont de plus en plus nombreuses depuis que les applications « grand public » des radiofréquences et des micro-ondes se sont diversifiées (radiodiffusion, télévision, radiotéléphones, télécommandes, fours domestiques, petits radars doppler, ), les armes électromagnétiques devraient devenir la composante essentielle des armements qui se généraliseront au sein des forces armées des pays dits « industriellement développés » dans les prochaines décennies.
La volonté de recourir aux ondes électromagnétiques pour tuer, détruire ou invalider à distance nest dailleurs pas récente. Dans une longue lettre qui fut publiée le 19 novembre 1981 par lhebdomadaire belge « Télé Moustique » (éditions Dupuis), javais déjà évoqué les travaux du physicien russe Mikhaïl Mikhaïlovitch Filippov, lequel avait démontré, vers 1920, que lon pouvait transmettre des quantités importantes dénergie sous forme de rayonnements dont la longueur donde était de lordre du millimètre. Cette démonstration était conforme à la théorie des quanta qui avait été énoncée par Max Planck en 1900 et qui lui vaudra de recevoir le Prix Nobel de physique en 1918. Et javais cru utile de préciser dans ma lettre que « il ny a rien de délirant à croire quun jour ces satellites que lon utilise aujourdhui pour nous abreuver de loisirs conditionnés pourraient aussi, dans un proche avenir, être utilisés pour nous amener la mort à distance. Je laisse aux sceptiques le soin de rigoler ! ».
Il est vrai que ma formation militaire, au sein des Forces aériennes tactiques de lOTAN (*), mavait permis daccéder à toute une série dinformations classifiées « NATO Secret » et « NATO Confidential ».
(*) Jai effectué mon service militaire, en 1965-66, au sein de ladministration du 13e Wing de Missiles de la Force aérienne belge (51e escadrille stationnée à Blanckenheim, Allemagne fédérale) et jai, à ma demande, reçu une formation complémentaire dopérateur-radar sur système sol-air Nike.
Ces informations concernaient la dangerosité des radiofréquences et des hyperfréquences ainsi que les mesures à adopter pour protéger efficacement le personnel militaire contre les effets nocifs des rayonnements non ionisants (mesures dites « de radioprotection »). Mais dans toute cette littérature classifiée, on pouvait aussi trouver, de ci, de là, des allusions aux possibles utilisations stratégiques et tactiques des ondes hertziennes, soit dans le cadre des armements antipersonnel, soit dans le but de perturber ou détruire les moyens électroniques de lennemi et, de façon générale, tous les équipements sensibles aux perturbations électroma-gnétiques comme, par exemple, ceux qui équipent les aéronefs et les missiles. Il sagissait, dans la plupart des cas, dune utilisation détournée - pour ne pas dire « pervertie » - des ondes classiquement utilisées pour les transmissions hertziennes et la radiolocalisation (radars).
Et comme, avant deffectuer mon service militaire, javais entamé ma carrière professionnelle dans le secteur de larmement (*), je pouvais aisément imaginer les possibilités de développement militaire de toute une série dapplications civiles ayant recours aux micro-ondes ou aux émissions stimulées de rayonnements à caracté-ristiques optiques (masers et lasers).
Outre les travaux de Filippov, javais aussi pris connaissance des recherches menées, également au début des années 20, par un chercheur britannique nommé Grindell Matthews. Dès 1924, il avait annoncé quil avait réussi à mettre au point un générateur de « rayons ardents », appareillage qui lui permettait de faire exploser de la poudre à distance mais qui, selon ses affirmations, pouvait aussi, en augmentant la puissance, détruire des avions en vol.
Dans son numéro daoût 1924, la revue française « Lecture pour tous » évoquait les travaux de Matthews en ces termes :
« Que seraient donc les fameux rayons de Matthews ? Sagit-il de rayons entièrement nouveaux ou bien linventeur a-t-il utilisé les propriétés de rayons déjà connus dans des buts de destruction ? Dans ce dernier cas, il ne pourrait utiliser que la chaleur rayonnante ou les ondes hertziennes Daprès linventeur, sa découverte se diviserait en quelque sorte en deux parties : dune part, la production de courant à haute fréquence dune nature particulière, et dautre part la concentration de cette énergie vers un but déterminé Il sagirait donc là, non dune commande à distance, mais dun transport de force dans le véritable sens du mot ».
Cette description, bien que sommaire, du procédé mis en uvre par Matthews, est bien celle dune arme électromagnétique basée sur lémission dirigée de micro-ondes. Cela na rien de véritablement surprenant si lon sait quà la même époque, Marconi et quelques autres (comme Nichols et Tear) travaillaient activement au développement de différentes technologies basées sur lutilisation des ondes centimétriques et millimétriques.
Néanmoins, le rédacteur de la revue française sefforçait de minimiser la portée des recherches menées par le Britannique et écrivait notamment : « il semble que, dans létat actuel de la science, la découverte de M. Matthews doive être accueillie avec quelque scepticisme car, si la commande à distance est réalisée depuis plusieurs années déjà, cest quelle ne nécessite quun transport de force très faible ; par contre, le problème du transport dune force relativement importante est encore du domaine du laboratoire et du roman Le problème nest évidemment pas irréalisable puisque lon peut, comme on la vu à la dernière exposition de physique et de TSF, allumer à faible distance une ampoule électrique au moyen dondes hertziennes très courtes. Quant à foudroyer un animal, faire exploser un engin ou arrêter un moteur davion (*), cela exigerait une somme dénergie difficile à imaginer ».
En réalité, ce qui semblait surtout chagriner le rédacteur de ces lignes, cétait que la découverte ait été faite par un Britannique et non par un Français ! Le chauvinisme français nest pas une légende, pas plus que la vieille rivalité qui sexerce de part et dautre du « channel ». Le journaliste de « Lecture pour tous » terminait toutefois son article en ces termes : « Il est certain cependant que la science na pas dit son dernier mot et que létude des diverses radiations sera fertile en résultats de toutes sortes. ». Ce qui revenait à faire léloge de cette « science triomphante » qui allait permettre, un jour ou lautre, de tuer et de détruire en recourant aux ondes électromagnétiques !
(*) Jai débuté dans la vie active au sein dune entreprise belgo-hélvétique spécialisée dans larmement antichar et la mécanique de haute précision, notamment comme commis technique au planning « outillages et prototypes » et comme métrologiste.
Ci-dessus, première page dun article relatif au « rayon ardent » de Grindell Matthews (Lecture pour tous Hachette 1924). Très controversée, cette invention est cependant lune des premières armes électromagnétiques dont la grande presse ait pu faire mention.
Ci-dessus, lune des photographies prises au cours de la démonstration effectuée par Matthews et ses assistants en présence de la presse. Le cliché a été pris au moment même où son générateur dondes fait exploser un petit lot de poudre à cinq ou six mètres de distance. Les experts « officiels » sempressèrent de déclarer que le « rayon ardent » nexistait pas, sans doute parce quils ne tenaient pas à ce que public soit informé des recherches en cours. On sait aussi que, de tous temps, les « officiels » se sont toujours opposés aux « indépendants » et Matthews était précisément un chercheur indépendant. Sur le modeste croquis reproduit ci-dessous, jai tenté de reconstituer le schéma de fonctionnement de l installation de Matthews, daprès les rares photos qui existent. Le gros boîtier cylindrique devait contenir un réflecteur parabolique permettant de concentrer lénergie produite par 3 générateurs dhyperfréquences disposés sur le pourtour du couvercle avant du boîtier, couvercle qui devait être réalisé dans une matière transparente aux micro-ondes (sans doute du verre recouvert de peinture).
En ce qui me concerne, tout mincite à penser que le « rayon ardent » de Matthews était bel et bien une arme électromagnétique de la première génération. Sa portée réduite sexplique par le fait quil nexistait pas encore, à lépoque où elle fut présentée à la presse, de générateur dhyperfréquences assez puissant pour autoriser un rayon daction plus important. Car pour faire exploser un avion volant à plusieurs centaines de mètres du sol et à fortiori à plusieurs kilomètres daltitude il faut disposer de composants électroniques qui nexistaient pas en 1924. Ce nest quà la fin des années 30, lorsquapparurent les magnétrons de forte puissance (développés en France et en Grande-Bretagne pour pouvoir augmenter le rayon daction des premiers radars), quil devint possible de générer des micro-ondes dont le niveau pouvait permettre denvisager des utilisations antimatériel et antipersonnel..
Pas plus que leurs collègues dOutre-Manche, les physiciens allemands des années 20 ne pouvaient disposer de ces générateurs de forte puissance. Mais ils ont fort bien pu coupler un certain nombre de tubes électroniques classiques (triodes) de manière à augmenter la puissance appliquée à une ou plusieurs antennes. Ils auraient pu, de la sorte, disposer dune installation émettrice capable de provoquer des problèmes au niveau de lalimentation électrique du moteur dun avion survolant le dispositif à quelques centaines de mètres daltitude. Il est en tous cas certain que la volonté de détruire ou de tuer à laide de rayonnements est presquaussi vieille que la découverte des ondes hertziennes (par Hertz et quelques autres). Dès la fin du XIXe siècle, les militaires se mirent à rêver dun « rayon de la mort », invisible et silencieux et, à partir de 1920, les recherches commencèrent à sorienter vers les faisceaux très étroits de micro-ondes et de fréquences optiques (comme les infrarouges que lon nommait alors « chaleur rayonnante »).
(*) A cette époque, des rumeurs persistantes insinuaient que des pannes de moteur, survenant sur des avions qui survolaient le territoire allemand, auraient pu être provoquées par des ondes émises depuis le sol. Il devait y avoir un fond de vérité dans ces rumeurs car lAllemagne était, avec la Grande-Bretagne, le pays dont les recherches étaient les plus avancées dans le domaine de la production de faisceaux très étroits de micro-ondes. Dès 1935, ces deux pays avaient mis au point des radars qui devinrent opérationnels en 1936-37.
Or, comme nous le verrons par ailleurs, la technologie des armes à énergie dirigée nest finalement quune variante de celle des radars et des lidars (radars optiques). Il est donc probable que les chercheurs qui travaillaient dans le domaine de la radiolocalisation par ondes ultracourtes aient aussi tenté de développer simultanément des armes capables de provoquer des pannes à distance ou de tuer le personnel militaire (et accessoirement des civils !).
Maquette, grandeur nature, de la version opérationnelle de linvention de Matthews. Les énormes isolateurs constituaient lextrémité de lalimentation à haute tension destinée aux trois générateurs de micro-ondes dont les rayonnements étaient concentrés par le réflecteur parabolique.
Comme il ne sagissait que dune maquette, le « rayon ardent » était simulé par un banal projecteur de lumière.
Ce générateur « grand modèle » devait pouvoir détruire des avions à la manière des canons de DCA. Si Matthews avait pu utiliser les magnétrons et les klystrons dont nous disposons aujourdhui, son arme aurait sans doute pu fonctionner assez correctement. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, de nombreux systèmes hertziens ont été inventés qui peuvent parfaitement faire exploser un aéronef en vol.
Dailleurs, lorsque larmée de lair britannique fit appel à Robert Watson-Watt, au début de 1935, pour diriger léquipe chargée de mettre au point les premiers radars de la RAF, la première question qui lui fut posée par Wimperis (directeur de la recherche scientifique au ministère de lAir) fut : « Est-ce quune onde électroma-gnétique peut endommager sérieusement un avion en vol ? ».
Le physicien écossais, qui savait quil ne disposait pas encore de générateurs assez puissants pour provoquer un tel effet, conseilla aux militaires de concentrer leffort de recherche sur la mise au point des systèmes de radiodétection et de radiolocalisation. Cest ce qui permettra au Royaume-Uni de se doter dun dispositif radar de bonne qualité avant le début des hostilités. Pendant toute la durée de la guerre, les physiciens et les ingénieurs sappliquèrent à augmenter lefficacité et la portée des radars terrestres et embarqués cependant que les travaux relatifs aux armes électromagnétiques proprement dites ne reprirent quaprès 1945.
La première arme qui ait tué massivement par le fait des rayonnements électromagnétiques quelle générait fut la bombe atomique. Mais ce fut plutôt une conséquence « secondaire » car, à priori, les militaires ne comptaient que sur leffet calorique et sur leffet de souffle de cette arme qui nétait, dans leur esprit, quune « super bombe » différant peu des bombes conventionnelles. Les effets imputables à la radioactivité ne purent être décrits et quantifiés quaprès quils aient été clairement identifiés chez les malheureuses victimes des bombardements dHiroshima et de Nagasaki, puis chez les cobayes involontaires des essais nucléaires américains, britanniques, russes et français (*).
On se souviendra, en passant, que les bombes A et H génèrent des rayonnements typiquement ionisants. Ce sont les radiations gamma, ondes électromagnétiques à part entière. Le présent ouvrage traite cependant plus spécifi-quement des armes générant des radiations non ionisantes et je ne mattarderai pas sur les effets produits par les rayonnements ionisants, lesquels ont fait lobjet dune très abondante littérature. Tout au plus me contenterais-je de préciser que, même pour les militaires, les bombes atomiques sont des « armes sales », des armes finalement peu intéressantes sur le plan tactique et stratégique. Cest la raison pour laquelle elles neurent à jouer quun rôle strictement dissuasif car rares, très rares, furent les chefs militaires qui envisagèrent sérieusement dy recourir. Il est, en effet, militairement inintéressant davoir recours à des armes qui rendent le terrain des opérations inutilisable pendant des mois, des années ou des dizaines dannées (si pas plus).
(*) On estime quau moins 40.000 soldats de lex URSS furent exposés aux rayonnements générés lors des essais nucléaires. Aux USA, plusieurs milliers de GIs servirent également de cobayes. Pour les pays dEurope occidentale, le nombre nest pas connu mais il est certainement du même ordre que pour larmée américaine. De nombreuses populations civiles ont aussi été exposées aux rayon-nements et aux retombées radioactives dans différentes régions de lURSS, dans le secteur des polygones de tir du Pacifique (USA et France), aux Etats-Unis et en Algérie (essais français). La mutation qui a donné naissance au virus HIV ( virus du sida ) pourrait fort bien être due aux essais nucléaires atmosphériques des années 50 (essais américains et français dans le Pacifique) dont les polluants radioactifs se sont dispersés tout autour de la zone équatoriale.
Aujourdhui encore, des militaires sont exposés à des radiations ionisantes sans être informés des dangers encourus. Cest notamment le cas avec les munitions contenant de luranium appauvri. Ces contaminations pourraient expliquer, tout au moins partiellement, certains syndromes apparus chez de nombreux combattants des récentes guerres du Golfe et du Kosovo mais également au sein des populations civiles qui respirèrent les poussières et effluents radioactifs que produisent par ces munitions lorsquelles explosent. On verra, par ailleurs (chapitre 4) que cest sans doute au cours de la guerre du Golfe que les premières armes électromagnétiques de forte puissance furent testées par les forces occidentales.
Robert Watson-Watt et son épouse aux environs de 1940. Dès 1935, le physicien écossais avait été choisi pour diriger une équipe de chercheurs chargés de mettre au point les premiers radars opérationnels britanniques. Le principe de la radioloca-lisation avait été défini aux environs de 1900 par le croate Nicolas Tesla puis affiné, en 1904, par lallemand Hulfsmeyer.
Aux Etats-Unis, les premiers travaux furent menés par Young et Taylor à partir de 1922.
Entrés tardivement dans la course (1934), les militaires français confièrent les recherches à David, Gutton et Ponte mais, contrairement aux Allemands et aux Britanniques, ils ne disposaient que dun très petit nombre de radars opérationnels lorsque la guerre éclata. Ce sont les Britanniques qui ont créé lacronyme RADAR (RAdio Detecting And Ranging) qui désigne usuellement le matériel de radiolocalisation.
Par la suite, des formes « dévoyées » du radar seront utilisées pour vérifier la possibilité de détruire du matériel ou de tuer des êtres humains en produisant des faisceaux très directifs dhyperfréquences. Véritables « radars-tueurs », ces appareils furent les précurseurs des armes RF/MO actuellement en cours de développement.
Ci-dessous, lune des antennes à réflecteur parabolique utilisées par la Compagnie Marconi pour sa station expérimentale à ondes courtes et ultra-courtes. Ce matériel était installé sur les toits de plusieurs immeubles de Londres et les collaborateurs de Marconi travaillaient dans le plus grand secret grâce au financement des autorités militaires du Royaume-Uni. Cest cette installation du début des années 30 qui a permis aux Britanniques de développer leurs premiers radars vers 1935. Marconi expérimentait aussi le même genre de matériel à bord de son yacht.
Contrairement aux armes nucléaires, les armes produisant des rayonnements non ionisants sont, toujours pour les stratèges, des armes très propres. Elles détruisent le matériel militaire et tuent les hommes sans polluer lenvironnement, sans générer de déchets hautement toxiques et sans porter atteinte au potentiel économique. On verra quelles ont encore dautres avantages (voir chapitre 4) et lon comprendra aisément, après avoir assimilé les différentes informations contenues dans le présent ouvrage, que les armes à énergie dirigée, tout comme les armes à particules, sont regardées par les militaires comme des armes quasiment idéales.
Jai assez peu évoqué les recherches menées par les Soviétiques et leurs alliés de lEst. Il est cependant évident que les travaux de Filippov furent exploités et développés parallèlement à ce qui se faisait en Europe mais avec beaucoup plus de « discrétion » car Staline et ses sbires se méfiaient des élites scientifiques et notamment des physiciens. Beaucoup de chercheurs de haut niveau furent victimes des purges organisées par le régime criminel de cet ancien séminariste qui avait fini par sautoproclamer « Père de tous les peuples » après avoir éliminé tous ses opposants et une bonne partie des populations soumises à sa dictature. Ce nest quaprès la mort de cette plaie de lhumanité (en 1953) que les chercheurs de lEst se mirent à travailler activement dans le domaine des armements électromagnétiques et, en peu de temps, les Soviétiques devinrent les grands spécialistes des armes à énergie dirigée. Ils furent même les premiers, vers 1985, à disposer darmes antiper-sonnel à micro-ondes véritablement opérationnelles.
Avec leffondrement politique et militaire du bloc de lEst, les pays qui adhèrent à lOTAN se sont efforcés de récupérer à leur profit les travaux qui ont été menés par les Soviétiques. Cest dailleurs en France, au centre de recherches militaires de Bèdes-Gramat (département du Lot au nord-est de Cahors) que ces travaux se poursuivent avec le concours déquipes de chercheurs français, allemands, britanniques et américains mais aussi, bien évidemment, avec la participation de physiciens et dingénieurs russes. Le centre de Bèdes - construit juste après la seconde guerre mondiale pour tester des éléments du fusées V2 récupérés par les armées doccupation - présente en effet lavantage dêtre installé dans des gouffres naturels et dans le réseau de galeries qui les relie entre eux. Cette disposition particulière permet de conduire toutes sortes de travaux « secrets » sans attirer lattention des populations environnantes, et notamment des recherches relatives à la physique des rayonnements. Elle permet également déviter que des « curieux » puissent, de lextérieur, identifier les fréquences et les types de modulation auxquels les chercheurs recourent.
Les recherches nimpliquent dailleurs pas uniquement des experts militaires et de nombreux ingénieurs et techniciens civils participent aux programmes ayant trait aux armes électromagnétiques. En France, CEA-Industries (*) supervise une part importante de ces travaux de recherche-développement, en étroite collaboration avec les grands groupes du lobby militaro-industriel (Thomson-CSF, Aérospatiale, Alcatel, EDF, ). On se trouve là dans un domaine où il nexiste pas de frontière précise entre la recherche civile et la recherche militaire et où il est aisé de faire financer, par des crédits civils, des projets et des travaux de développement dont le but réel est spécifiquement militaire (voir ce qui est dit par ailleurs à ce propos).
(*) Le groupement industriel baptisé « CEA-Industries » est une émanation directe du « Commissariat à lEnergie Atomique », noyau dur du lobby militaro-industriel français. CEA-Industries est une véritable « galaxie industrielle » qui regroupe plus de 300 entreprises réparties sur le territoire de 33 pays différents. Ses principales activités sexercent dans le domaine nucléaire mais aussi dans celui de lélectronique et des activités biomédicales (voir page suivante).
Lorganigramme simplifié du groupe « CEA-Industries » au 1er janvier 1999. Les grande subdivisions de cette galaxie de plus de 300 entreprises sont les secteurs nucléaires (en bleu), le secteur de lélectronique et de la connectique (en orange) et le secteur biomédical (en jaune). CEA-Industrie intervient aussi bien dans lextraction et le traitement des minerais uranifères (Cogéma) que dans larmement pur en passant par le nucléaire civil (Framatome, Technicatome, ), la fabrication de semi-conducteurs et de connecteurs (ST Microelectronics) et des activités de mesures et dexpertises (MVI Technologies, Cita, ). Moins connues, sont les activités de la subdivision « Oris-Industrie » qui exerce ses activités dans le domaine biomédical et commercialise notamment des produits radiopharmaceutiques, des générateurs de techténium, des trousses de premiers soins pour accidents nucléaires et divers produits pour diagnostics in vivo et in vitro. En 1999, les usines du groupe étaient implantées en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Irlande, en Allemagne, en Autriche, en Grèce, en Italie, en Espagne, en Suisse, en Suède, en Finlande, en république tchèque, à Malte, aux USA, au Canada, aux Antilles néerlandaises, en République dominicaine, au Mexique, au Brésil, en Afrique du Sud, au Maroc, au Niger, au Gabon, en Australie, en Inde, au Japon, en Corée du Sud, à Singapour, en Malaisie, à Taiwan et même en Chine communiste. Ces données sont extraites du rapport annuel pour lexercice 98.
Le CEA travaille en étroite association avec la Délégation Générale à lArmement (DGA) et constitue, avec le groupe EDF (qui est devenu lui-même un groupement complexe avec ses holdings et ses nombreuses filiales nationales et internationales), le plus important lobby militaro-industriel dEurope.
Ces groupes et sous-groupes sont gérés selon les principes de léconomie de marché, autrement dit du capitalisme et du libéralisme. Ils ne conservent une apparence de groupes publics (parfois même de « service public », comme EDF) que pour mieux leurrer les citoyens et leurs représentants politiques.
Dans son ouvrage relatif à la programmation militaire pour les années 1990-1993, le président de la Commission de la Défense de lAssemblée nationale française (*) écrivait que : « La perspective darmes à énergie dirigée ou placées en orbite autour de notre planète, sans être abandonnée est toutefois reportée ». Il évoquait également les projets de révision du traité START doctobre 1988 à propos, précisément, des armes à laser ou à faisceau électromagnétique. A la page 22 de son livre, il admettait par ailleurs quil existait de nombreuses technologies civiles qui pouvaient être utilisées à des fins militaires.
Si la France, pour des motifs budgétaires et en raison de certaines priorités (porte-avion De Gaulle, programme Rafale, ), avait officiellement suspendu ses recherches dans le domaine des armes à énergie dirigée vers la fin des années 80, il nen demeure pas moins que, par le biais des grands groupes industriels, publics ou privés, les programmes de base ont été maintenus. Et depuis le milieu des années 90, le centre de Gramat a accru ses activités sous couvert du programme « Hyperion ». Jai même démontré, dans une étude récente (**), que le projet dimplantation, par EDF, dune ligne électrique aérienne à 225 kV (entre la centrale nucléaire de Golfech et un nouveau poste à créer à la périphérie de Cahors) était vraisemblablement motivé par la volonté secrète de renforcer lapprovisionnement en énergie du CEG, via une ligne à haute tension qui relierait le nouveau poste de Cahors au poste de Gramat (en passant par Labastide-Murat).
Le lobby militaro-industriel français est donc partie prenante dans la course aux armements qui devrait déboucher, dici très peu de temps, sur la mise en service darmes électromagnétiques, notamment dans le cadre de la « défense antimissile ». Et si certains dirigeants européens se sont récemment élevés contre la volonté
américaine de relance du programme IDS-NMD (programme antimissile des USA improprement nommé « guerre des étoiles »), il ne sagit là que de pures gesticu-lations politiques, de banales manuvres démagogiques.
(*) Il sagit de Jean-Michel BOUCHERON, député socialiste dIlle-et-Vilaine (Rennes) que lon évitera de confondre avec un autre Jean-Michel Boucheron qui fut, lui-aussi, député socialiste (et maire dAngoulême) avant de poursuivre sa carrière comme pensionnaire des prisons françaises.
(**) Cette étude, commanditée par le Conseil-Général du Tarn-et-Garonne, les collectivités de communes de Montaigu-de-Quercy et de Montcuq (département du Lot), le syndicat de défense des vins AOC Cahors et lassociation Quercy-Blanc-Environnement, constitue une analyse critique du projet quEDF tente dimposer depuis 1990 malgré la très vive opposition des citoyens et des élus concernés. Lobstination de lentreprise publique à construire cette ligne aérienne THT ne peut guère se justifier par les seuls besoins de lagglomération de Cahors et il ma donc fallut chercher la motivation cachée, laquelle semble bien être laccroissement des besoins en énergie du CEG, à 40 km de Cahors.
On peut consulter mon rapport dexpertise sur Internet ( www.multimania.com/chafar/tht ).
En 1992, javais déjà été confronté à un problème identique à propos dune ligne THT/225 kV dont la construction était contestée par deux communes de Gironde (Le Barp et Mios) ainsi que par la direction du parc régional des Landes de Gascogne. Alors quEDF tentait désespérément de justifier son projet par les prétendus besoins de la ville dArcachon, il était apparu que le client véritable nétait autre que le Centre des Essais dAquitaine. Implanté à la périphérie de la petite ville du Barp, il avait été choisi pour recevoir le laser « mégajoule » destiné, entre autres, à la simulation des tirs nucléaires.
Le problème, avec les instances publiques et les grandes entreprises françaises, cest quil nest jamais possible den obtenir des explications sérieuses et honnêtes, surtout à partir du moment où les militaires se trouvent impliqués, directement ou indirectement, dans un projet quelconque.
Et même lorsque les dirigeants politiques, administratifs ou industriels sont pris en flagrant délit de désinformation et de manipulation, ils persistent dans leur attitude anti-démocratique en mentant de plus belle ou en refusant de sexpliquer. Les relations plus quéquivoques quEDF entretient avec le CEA, donc avec les militaires, ont souvent contribué à « brouiller les cartes » et à couvrir des manuvres peu orthodoxes et parfois mêmes illicites.
Reproduction de la couverture de la première édition (1981) du rapport général de lAssociation pour lUtilisation Rationnelle des Ondes Radio-Electriques (A.U.R.O.R.E.) sur la nocivité des rayonnements non ionisants. Cest ce document qui alertera les autorités politiques belges et permettra ladoption de la loi-cadre du 12 juillet 1985 relative à la protection de lhomme et de lenvironnement contre les effets nocifs des radiations non ionisantes, des infrasons et des ultrasons ( loi découlant du projet de loi et de règlement proposé dès 1983 par la présidence de lA.U.R.O.R.E., voir annexe 1). Réactualisé jusquen 1989, il ne présente plus aujourdhui quun intérêt historique.
En réalité, les grands lobbies, et les partis politiques qui les soutiennent, (ceux de gauche comme ceux de droite) sont très heureux de voir en G.W. Bush Jr lhomme qui est censé « redynamiser les affaires » de chaque côté de lAtlantique.
Jen tiens pour preuve les décisions qui ont été prises, dès le mois de juin 2000 (donc bien avant lélection présidentielle américaine), par le Sénat français, lequel, sur la base dun rapport élaboré par les commissions parlementaires des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a plaidé pour que la France poursuive ses efforts de développement des technologies à mettre en uvre dans le contexte des armements antibalistiques (*).
Le rapporteur, Xavier de Villepin (Union centriste) a, par ailleurs, bien insisté sur le fait que cette relance de la course aux armements devait permettre à la France de maintenir intacte sa capacité militaire, mais aussi industrielle. Ce qui laisse nettement entendre que les puissants lobbies de larmement, de lélectronique, des télécommunications et de lespace ne sont pas étrangers aux conclusions dudit rapporteur. Et si les militaires français parlent dune évolution antimissile du missile Aster, il faut savoir que les missiles antimissile sont dores et déjà considérés comme obsolètes (voir plus loin), les armements « de pointe » dans ce domaine étant les lasers de puissance et les armes MO, autrement dit les armes à énergie dirigée.
La présente étude devrait permettre aux citoyens et aux décideurs publics de se faire une idée plus précise de ce que sont les effets biologiques des ondes électromagnétiques non ionisantes mais aussi de ce que sont les armes dites « du IIIe millénaire », des enjeux quelle recouvrent et des graves problèmes quelles soulèvent.
Du téléphone portable de monsieur-tout-le-monde aux bombes à micro-ondes en passant par les radars et autres applications des transmissions hertziennes ou encore par les lasers-masers, nous allons parcourir lunivers inquiétant, et encore mal connu, des applications civiles et militaires des rayonements électromagnétiques non ionisants. Nous allons essayer den savoir plus à propos des « ondes qui tuent ». Deux chapitres abordent, par ailleurs, la problématique des armes à particules et des armes à infrasons qui appartiennent également à la famille des armes à énergie dirigée.
(*) Dans les milieux industriels et militaires, on évoque parfois la « DAME », autrement dit la « Défense Anti Missiles Européenne ». Une « drôle de dame », en loccurrence !
Ci-contre, une vue partielle du laboratoire de métrologie de lusine Mécar de Peti-Roeulx-lez-Nivelles où lauteur a entamé la première partie de sa carrière professionnelle. On remarque les bancs de mesure de fabrication suisse autorisant des mesures de lordre du demi-micron. Au fond, le bac de mise à température des pièces à mesurer.
Le laboratoire utilisait aussi des projecteurs de profil ainsi que tous les appareillages classiques de métrologie (comparateurs, micromètres, cales étalonnées, etc ).
La Sté Anonyme belge de Mécanique et dArmement (SA Mécar), apparentée au groupe Oerlikon, était spécialisée dans la fabrication doutillages de haute précision et darmes antichar (grenades, roquettes, obus, matériel de tir et munitions diverses).
Lauteur photographié peu de temps après son admission au centre de formation du service administratif de larmée belge (caserne général Baron Dossin de St Georges à Malines). On remarque, sur la manche gauche de son battle-dress, linsigne distinctif des unités de missiles sol-air de la Force aérienne. La photo a été prise sur le stand de tir dune fête foraine.
Contrairement aux antimilitaristes primaires qui prônaient lobjection de conscience, Daniel Depris estimait quil fallait, tout au contraire, profiter de lopportunité du service national pour se familiariser avec la mentalité militaire, les systèmes darmes, la stratégie et la tactique. Il a dailleurs toujours prôné le principe selon lequel on ne peut combattre valablement un adversaire quelconque que si on le connaît parfaitement.
Cest pour cette raison quil avait entamé sa carrière professionnelle dans le secteur de larmement.
Grâce à sa double formation professionnelle et militaire, il deviendra un excellent spécia-liste des missiles, des radars et de la radio-protection.
Ci-contre, un missile Nike Hercules de la Force aérienne belge sur sa rampe de lance-ment (launcher). Contrairement aux engins qui étaient parfois présentés dans des meetings ou lors de parades militaires - et qui portaient les cocardes belges - les missiles opérationnels, dotés dune ogive nucléaire, ne portaient aucun signe distinctif.
Cette photo a été prise au cours de lhiver 65-66, au nez et à la barbe des gardes améri-cains qui étaient chargés de surveiller leurs collègues belges.