Les ondes de la mort : Introduction

Lorsqu’en 1980, j’ai rédigé, pour le compte de l’association européenne que je venais de fonder, un premier dossier d’information ayant trait aux nuisances électromagnétiques non ionisantes, je l’ai intitulé « Ces ondes qui nous feront mourir un jour », un titre volontairement « accrocheur » qui était destiné à sensibiliser les décideurs, la presse et l’opinion publique sur cet aspect très méconnu de la détérioration de notre cadre de vie ou, comme disent les « écolos », de notre environnement.

Toutefois, si j’avais voulu tenir compte de la réalité concrète, j’aurais dû accorder le verbe, non au futur mais au présent. Car, en ce tout début des années 80, il y avait déjà belle lurette que les ondes faisaient mourir des hommes, des femmes, des enfants et toutes sortes d’espèces animales et végétales.

Mort plus ou moins involontaire pour les victimes d’une pollution électroma-gnétique qui s’est considérablement accrue depuis la fin de la seconde guerre mondiale, mais aussi mort provoquée délibérément pour les être humains et les animaux qui servirent de cobayes pour la mise au point des armes qui entrent dans la catégorie des armements antipersonnel « à énergie dirigée », catégorie qui regroupe les armes basées sur les effets biologiques néfastes des radiofréquences, des hyperfréquences (ou « micro-ondes »), des fréquences dites « optiques » (infrarouges, lumière visible et ultraviolets) mais aussi des basses et très basses fréquences électromagnétiques (armes ELF-SLF-ULF-VLF). Et si les victimes de la pollution EMNI (ElectroMagnétique Non Ionisante) sont de plus en plus nombreuses depuis que les applications « grand public » des radiofréquences et des micro-ondes se sont diversifiées (radiodiffusion, télévision, radiotéléphones, télécommandes, fours domestiques, petits radars doppler,…), les armes électromagnétiques devraient devenir la composante essentielle des armements qui se généraliseront au sein des forces armées des pays dits « industriellement développés » dans les prochaines décennies.

La volonté de recourir aux ondes électromagnétiques pour tuer, détruire ou invalider à distance n’est d’ailleurs pas récente. Dans une longue lettre qui fut publiée le 19 novembre 1981 par l’hebdomadaire belge « Télé Moustique » (éditions Dupuis), j’avais déjà évoqué les travaux du physicien russe Mikhaïl Mikhaïlovitch Filippov, lequel avait démontré, vers 1920, que l’on pouvait transmettre des quantités importantes d’énergie sous forme de rayonnements dont la longueur d’onde était de l’ordre du millimètre. Cette démonstration était conforme à la théorie des quanta qui avait été énoncée par Max Planck en 1900 et qui lui vaudra de recevoir le Prix Nobel de physique en 1918. Et j’avais cru utile de préciser dans ma lettre que « …il n’y a rien de délirant à croire qu’un jour ces satellites que l’on utilise aujourd’hui pour nous abreuver de loisirs conditionnés pourraient aussi, dans un proche avenir, être utilisés pour nous amener la mort à distance. Je laisse aux sceptiques le soin de rigoler ! ».

Il est vrai que ma formation militaire, au sein des Forces aériennes tactiques de l’OTAN (*), m’avait permis d’accéder à toute une série d’informations classifiées « NATO Secret » et « NATO Confidential ».


(*) J’ai effectué mon service militaire, en 1965-66, au sein de l’administration du 13e Wing de Missiles de la Force aérienne belge (51e escadrille stationnée à Blanckenheim, Allemagne fédérale) et j’ai, à ma demande, reçu une formation complémentaire d’opérateur-radar sur système sol-air Nike.

Ces informations concernaient la dangerosité des radiofréquences et des hyperfréquences ainsi que les mesures à adopter pour protéger efficacement le personnel militaire contre les effets nocifs des rayonnements non ionisants (mesures dites « de radioprotection »). Mais dans toute cette littérature classifiée, on pouvait aussi trouver, de ci, de là, des allusions aux possibles utilisations stratégiques et tactiques des ondes hertziennes, soit dans le cadre des armements antipersonnel, soit dans le but de perturber ou détruire les moyens électroniques de l’ennemi et, de façon générale, tous les équipements sensibles aux perturbations électroma-gnétiques comme, par exemple, ceux qui équipent les aéronefs et les missiles. Il s’agissait, dans la plupart des cas, d’une utilisation détournée - pour ne pas dire « pervertie » - des ondes classiquement utilisées pour les transmissions hertziennes et la radiolocalisation (radars).

Et comme, avant d’effectuer mon service militaire, j’avais entamé ma carrière professionnelle dans le secteur de l’armement (*), je pouvais aisément imaginer les possibilités de développement militaire de toute une série d’applications civiles ayant recours aux micro-ondes ou aux émissions stimulées de rayonnements à caracté-ristiques optiques (masers et lasers).

Outre les travaux de Filippov, j’avais aussi pris connaissance des recherches menées, également au début des années 20, par un chercheur britannique nommé Grindell Matthews. Dès 1924, il avait annoncé qu’il avait réussi à mettre au point un générateur de « rayons ardents », appareillage qui lui permettait de faire exploser de la poudre à distance mais qui, selon ses affirmations, pouvait aussi, en augmentant la puissance, détruire des avions en vol.

Dans son numéro d’août 1924, la revue française « Lecture pour tous » évoquait les travaux de Matthews en ces termes :

« …Que seraient donc les fameux rayons de Matthews ? S’agit-il de rayons entièrement nouveaux ou bien l’inventeur a-t-il utilisé les propriétés de rayons déjà connus dans des buts de destruction ? Dans ce dernier cas, il ne pourrait utiliser que la chaleur rayonnante ou les ondes hertziennes… D’après l’inventeur, sa découverte se diviserait en quelque sorte en deux parties : d’une part, la production de courant à haute fréquence d’une nature particulière, et d’autre part la concentration de cette énergie vers un but déterminé… Il s’agirait donc là, non d’une commande à distance, mais d’un transport de force dans le véritable sens du mot… ».

Cette description, bien que sommaire, du procédé mis en œuvre par Matthews, est bien celle d’une arme électromagnétique basée sur l’émission dirigée de micro-ondes. Cela n’a rien de véritablement surprenant si l’on sait qu’à la même époque, Marconi et quelques autres (comme Nichols et Tear) travaillaient activement au développement de différentes technologies basées sur l’utilisation des ondes centimétriques et millimétriques.

Néanmoins, le rédacteur de la revue française s’efforçait de minimiser la portée des recherches menées par le Britannique et écrivait notamment : « …il semble que, dans l’état actuel de la science, la découverte de M. Matthews doive être accueillie avec quelque scepticisme car, si la commande à distance est réalisée depuis plusieurs années déjà, c’est qu’elle ne nécessite qu’un transport de force très faible ; par contre, le problème du transport d’une force relativement importante est encore du domaine du laboratoire et du roman… Le problème n’est évidemment pas irréalisable puisque l’on peut, comme on l’a vu à la dernière exposition de physique et de TSF, allumer à faible distance une ampoule électrique au moyen d’ondes hertziennes très courtes. Quant à foudroyer un animal, faire exploser un engin ou arrêter un moteur d’avion (*), cela exigerait une somme d’énergie difficile à imaginer… ».

En réalité, ce qui semblait surtout chagriner le rédacteur de ces lignes, c’était que la découverte ait été faite par un Britannique et non par un Français ! Le chauvinisme français n’est pas une légende, pas plus que la vieille rivalité qui s’exerce de part et d’autre du « channel ». Le journaliste de « Lecture pour tous » terminait toutefois son article en ces termes : « …Il est certain cependant que la science n’a pas dit son dernier mot et que l’étude des diverses radiations sera fertile en résultats de toutes sortes. ». Ce qui revenait à faire l’éloge de cette « science triomphante » qui allait permettre, un jour ou l’autre, de tuer et de détruire en recourant aux ondes électromagnétiques !



(*) J’ai débuté dans la vie active au sein d’une entreprise belgo-hélvétique spécialisée dans l’armement antichar et la mécanique de haute précision, notamment comme commis technique au planning « outillages et prototypes » et comme métrologiste.


Mr Matthews laisse photographier son rayon ardent


Ci-dessus, première page d’un article relatif au « rayon ardent » de Grindell Matthews (Lecture pour tous – Hachette – 1924). Très controversée, cette invention est cependant l’une des premières armes électromagnétiques dont la grande presse ait pu faire mention.


démonstration
effectuée par Matthews et ses assistants en présence de
la presse

Ci-dessus, l’une des photographies prises au cours de la démonstration effectuée par Matthews et ses assistants en présence de la presse. Le cliché a été pris au moment même où son générateur d’ondes fait exploser un petit lot de poudre à cinq ou six mètres de distance. Les experts « officiels » s’empressèrent de déclarer que le « rayon ardent » n’existait pas, sans doute parce qu’ils ne tenaient pas à ce que public soit informé des recherches en cours. On sait aussi que, de tous temps, les « officiels » se sont toujours opposés aux « indépendants » et Matthews était précisément un chercheur indépendant. Sur le modeste croquis reproduit ci-dessous, j’ai tenté de reconstituer le schéma de fonctionnement de l’ installation de Matthews, d’après les rares photos qui existent. Le gros boîtier cylindrique devait contenir un réflecteur parabolique permettant de concentrer l’énergie produite par 3 générateurs d’hyperfréquences disposés sur le pourtour du couvercle avant du boîtier, couvercle qui devait être réalisé dans une matière transparente aux micro-ondes (sans doute du verre recouvert de peinture).

schéma de fonctionnement de
l’ installation de Matthews

En ce qui me concerne, tout m’incite à penser que le « rayon ardent » de Matthews était bel et bien une arme électromagnétique de la première génération. Sa portée réduite s’explique par le fait qu’il n’existait pas encore, à l’époque où elle fut présentée à la presse, de générateur d’hyperfréquences assez puissant pour autoriser un rayon d’action plus important. Car pour faire exploser un avion volant à plusieurs centaines de mètres du sol – et à fortiori à plusieurs kilomètres d’altitude – il faut disposer de composants électroniques qui n’existaient pas en 1924. Ce n’est qu’à la fin des années 30, lorsqu’apparurent les magnétrons de forte puissance (développés en France et en Grande-Bretagne pour pouvoir augmenter le rayon d’action des premiers radars), qu’il devint possible de générer des micro-ondes dont le niveau pouvait permettre d’envisager des utilisations antimatériel et antipersonnel..

Pas plus que leurs collègues d’Outre-Manche, les physiciens allemands des années 20 ne pouvaient disposer de ces générateurs de forte puissance. Mais ils ont fort bien pu coupler un certain nombre de tubes électroniques classiques (triodes) de manière à augmenter la puissance appliquée à une ou plusieurs antennes. Ils auraient pu, de la sorte, disposer d’une installation émettrice capable de provoquer des problèmes au niveau de l’alimentation électrique du moteur d’un avion survolant le dispositif à quelques centaines de mètres d’altitude. Il est en tous cas certain que la volonté de détruire ou de tuer à l’aide de rayonnements est presqu’aussi vieille que la découverte des ondes hertziennes (par Hertz et quelques autres). Dès la fin du XIXe siècle, les militaires se mirent à rêver d’un « rayon de la mort », invisible et silencieux et, à partir de 1920, les recherches commencèrent à s’orienter vers les faisceaux très étroits de micro-ondes et de fréquences optiques (comme les infrarouges que l’on nommait alors « chaleur rayonnante »).


(*) A cette époque, des rumeurs persistantes insinuaient que des pannes de moteur, survenant sur des avions qui survolaient le territoire allemand, auraient pu être provoquées par des ondes émises depuis le sol. Il devait y avoir un fond de vérité dans ces rumeurs car l’Allemagne était, avec la Grande-Bretagne, le pays dont les recherches étaient les plus avancées dans le domaine de la production de faisceaux très étroits de micro-ondes. Dès 1935, ces deux pays avaient mis au point des radars qui devinrent opérationnels en 1936-37.

Or, comme nous le verrons par ailleurs, la technologie des armes à énergie dirigée n’est finalement qu’une variante de celle des radars et des lidars (radars optiques). Il est donc probable que les chercheurs qui travaillaient dans le domaine de la radiolocalisation par ondes ultracourtes aient aussi tenté de développer simultanément des armes capables de provoquer des pannes à distance ou de tuer le personnel militaire (et accessoirement des civils !).

Maquette,
grandeur nature, de la version opérationnelle de l’invention
de Matthews

Maquette, grandeur nature, de la version opérationnelle de l’invention de Matthews. Les énormes isolateurs constituaient l’extrémité de l’alimentation à haute tension destinée aux trois générateurs de micro-ondes dont les rayonnements étaient concentrés par le réflecteur parabolique.

Comme il ne s’agissait que d’une maquette, le « rayon ardent » était simulé par un banal projecteur de lumière.

Ce générateur « grand modèle » devait pouvoir détruire des avions à la manière des canons de DCA. Si Matthews avait pu utiliser les magnétrons et les klystrons dont nous disposons aujourd’hui, son arme aurait sans doute pu fonctionner assez correctement. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, de nombreux systèmes hertziens ont été inventés qui peuvent parfaitement faire exploser un aéronef en vol.



D’ailleurs, lorsque l’armée de l’air britannique fit appel à Robert Watson-Watt, au début de 1935, pour diriger l’équipe chargée de mettre au point les premiers radars de la RAF, la première question qui lui fut posée par Wimperis (directeur de la recherche scientifique au ministère de l’Air) fut : « …Est-ce qu’une onde électroma-gnétique peut endommager sérieusement un avion en vol ? ».

Le physicien écossais, qui savait qu’il ne disposait pas encore de générateurs assez puissants pour provoquer un tel effet, conseilla aux militaires de concentrer l’effort de recherche sur la mise au point des systèmes de radiodétection et de radiolocalisation. C’est ce qui permettra au Royaume-Uni de se doter d’un dispositif radar de bonne qualité avant le début des hostilités. Pendant toute la durée de la guerre, les physiciens et les ingénieurs s’appliquèrent à augmenter l’efficacité et la portée des radars terrestres et embarqués cependant que les travaux relatifs aux armes électromagnétiques proprement dites ne reprirent qu’après 1945.

La première arme qui ait tué massivement par le fait des rayonnements électromagnétiques qu’elle générait fut la bombe atomique. Mais ce fut plutôt une conséquence « secondaire » car, à priori, les militaires ne comptaient que sur l’effet calorique et sur l’effet de souffle de cette arme qui n’était, dans leur esprit, qu’une « super bombe » différant peu des bombes conventionnelles. Les effets imputables à la radioactivité ne purent être décrits et quantifiés qu’après qu’ils aient été clairement identifiés chez les malheureuses victimes des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, puis chez les cobayes involontaires des essais nucléaires américains, britanniques, russes et français (*).

On se souviendra, en passant, que les bombes A et H génèrent des rayonnements typiquement ionisants. Ce sont les radiations gamma, ondes électromagnétiques à part entière. Le présent ouvrage traite cependant plus spécifi-quement des armes générant des radiations non ionisantes et je ne m’attarderai pas sur les effets produits par les rayonnements ionisants, lesquels ont fait l’objet d’une très abondante littérature. Tout au plus me contenterais-je de préciser que, même pour les militaires, les bombes atomiques sont des « armes sales », des armes finalement peu intéressantes sur le plan tactique et stratégique. C’est la raison pour laquelle elles n’eurent à jouer qu’un rôle strictement dissuasif car rares, très rares, furent les chefs militaires qui envisagèrent sérieusement d’y recourir. Il est, en effet, militairement inintéressant d’avoir recours à des armes qui rendent le terrain des opérations inutilisable pendant des mois, des années ou des dizaines d’années (si pas plus).


(*) On estime qu’au moins 40.000 soldats de l’ex URSS furent exposés aux rayonnements générés lors des essais nucléaires. Aux USA, plusieurs milliers de GI’s servirent également de cobayes. Pour les pays d’Europe occidentale, le nombre n’est pas connu mais il est certainement du même ordre que pour l’armée américaine. De nombreuses populations civiles ont aussi été exposées aux rayon-nements et aux retombées radioactives dans différentes régions de l’URSS, dans le secteur des polygones de tir du Pacifique (USA et France), aux Etats-Unis et en Algérie (essais français). La mutation qui a donné naissance au virus HIV ( virus du sida ) pourrait fort bien être due aux essais nucléaires atmosphériques des années 50 (essais américains et français dans le Pacifique) dont les polluants radioactifs se sont dispersés tout autour de la zone équatoriale.

Aujourd’hui encore, des militaires sont exposés à des radiations ionisantes sans être informés des dangers encourus. C’est notamment le cas avec les munitions contenant de l’uranium appauvri. Ces contaminations pourraient expliquer, tout au moins partiellement, certains syndromes apparus chez de nombreux combattants des récentes guerres du Golfe et du Kosovo mais également au sein des populations civiles qui respirèrent les poussières et effluents radioactifs que produisent par ces munitions lorsqu’elles explosent. On verra, par ailleurs (chapitre 4) que c’est sans doute au cours de la guerre du Golfe que les premières armes électromagnétiques de forte puissance furent testées par les forces occidentales.

Robert Watson-Watt et son
épouse aux environs de 1940

Robert Watson-Watt et son épouse aux environs de 1940. Dès 1935, le physicien écossais avait été choisi pour diriger une équipe de chercheurs chargés de mettre au point les premiers radars opérationnels britanniques. Le principe de la radioloca-lisation avait été défini aux environs de 1900 par le croate Nicolas Tesla puis affiné, en 1904, par l’allemand Hulfsmeyer.

Aux Etats-Unis, les premiers travaux furent menés par Young et Taylor à partir de 1922.

Entrés tardivement dans la course (1934), les militaires français confièrent les recherches à David, Gutton et Ponte mais, contrairement aux Allemands et aux Britanniques, ils ne disposaient que d’un très petit nombre de radars opérationnels lorsque la guerre éclata. Ce sont les Britanniques qui ont créé l’acronyme RADAR (RAdio Detecting And Ranging) qui désigne usuellement le matériel de radiolocalisation.


Par la suite, des formes « dévoyées » du radar seront utilisées pour vérifier la possibilité de détruire du matériel ou de tuer des êtres humains en produisant des faisceaux très directifs d’hyperfréquences. Véritables « radars-tueurs », ces appareils furent les précurseurs des armes RF/MO actuellement en cours de développement.


Ci-dessous, l’une des antennes à réflecteur parabolique utilisées par la Compagnie Marconi pour sa station expérimentale à ondes courtes et ultra-courtes. Ce matériel était installé sur les toits de plusieurs immeubles de Londres et les collaborateurs de Marconi travaillaient dans le plus grand secret grâce au financement des autorités militaires du Royaume-Uni. C’est cette installation du début des années 30 qui a permis aux Britanniques de développer leurs premiers radars vers 1935. Marconi expérimentait aussi le même genre de matériel à bord de son yacht.

antennes à réflecteur parabolique utilisées par la	Compagnie Marconi

Contrairement aux armes nucléaires, les armes produisant des rayonnements non ionisants sont, toujours pour les stratèges, des armes très propres. Elles détruisent le matériel militaire et tuent les hommes sans polluer l’environnement, sans générer de déchets hautement toxiques et sans porter atteinte au potentiel économique. On verra qu’elles ont encore d’autres avantages (voir chapitre 4) et l’on comprendra aisément, après avoir assimilé les différentes informations contenues dans le présent ouvrage, que les armes à énergie dirigée, tout comme les armes à particules, sont regardées par les militaires comme des armes quasiment idéales.

J’ai assez peu évoqué les recherches menées par les Soviétiques et leurs alliés de l’Est. Il est cependant évident que les travaux de Filippov furent exploités et développés parallèlement à ce qui se faisait en Europe mais avec beaucoup plus de « discrétion » car Staline et ses sbires se méfiaient des élites scientifiques et notamment des physiciens. Beaucoup de chercheurs de haut niveau furent victimes des purges organisées par le régime criminel de cet ancien séminariste qui avait fini par s’autoproclamer « Père de tous les peuples » après avoir éliminé tous ses opposants et une bonne partie des populations soumises à sa dictature. Ce n’est qu’après la mort de cette plaie de l’humanité (en 1953) que les chercheurs de l’Est se mirent à travailler activement dans le domaine des armements électromagnétiques et, en peu de temps, les Soviétiques devinrent les grands spécialistes des armes à énergie dirigée. Ils furent même les premiers, vers 1985, à disposer d’armes antiper-sonnel à micro-ondes véritablement opérationnelles.

Avec l’effondrement politique et militaire du bloc de l’Est, les pays qui adhèrent à l’OTAN se sont efforcés de récupérer à leur profit les travaux qui ont été menés par les Soviétiques. C’est d’ailleurs en France, au centre de recherches militaires de Bèdes-Gramat (département du Lot au nord-est de Cahors) que ces travaux se poursuivent avec le concours d’équipes de chercheurs français, allemands, britanniques et américains mais aussi, bien évidemment, avec la participation de physiciens et d’ingénieurs russes. Le centre de Bèdes - construit juste après la seconde guerre mondiale pour tester des éléments du fusées V2 récupérés par les armées d’occupation - présente en effet l’avantage d’être installé dans des gouffres naturels et dans le réseau de galeries qui les relie entre eux. Cette disposition particulière permet de conduire toutes sortes de travaux « secrets » sans attirer l’attention des populations environnantes, et notamment des recherches relatives à la physique des rayonnements. Elle permet également d’éviter que des « curieux » puissent, de l’extérieur, identifier les fréquences et les types de modulation auxquels les chercheurs recourent.

Les recherches n’impliquent d’ailleurs pas uniquement des experts militaires et de nombreux ingénieurs et techniciens civils participent aux programmes ayant trait aux armes électromagnétiques. En France, CEA-Industries (*) supervise une part importante de ces travaux de recherche-développement, en étroite collaboration avec les grands groupes du lobby militaro-industriel (Thomson-CSF, Aérospatiale, Alcatel, EDF,…). On se trouve là dans un domaine où il n’existe pas de frontière précise entre la recherche civile et la recherche militaire et où il est aisé de faire financer, par des crédits civils, des projets et des travaux de développement dont le but réel est spécifiquement militaire (voir ce qui est dit par ailleurs à ce propos).


(*) Le groupement industriel baptisé « CEA-Industries » est une émanation directe du « Commissariat à l’Energie Atomique », noyau dur du lobby militaro-industriel français. CEA-Industries est une véritable « galaxie industrielle » qui regroupe plus de 300 entreprises réparties sur le territoire de 33 pays différents. Ses principales activités s’exercent dans le domaine nucléaire mais aussi dans celui de l’électronique et des activités biomédicales (voir page suivante).


CEA-Industries est une véritable « galaxie industrielle » qui regroupe plus de 300 entreprises

L’organigramme simplifié du groupe « CEA-Industries » au 1er janvier 1999. Les grande subdivisions de cette galaxie de plus de 300 entreprises sont les secteurs nucléaires (en bleu), le secteur de l’électronique et de la connectique (en orange) et le secteur biomédical (en jaune). CEA-Industrie intervient aussi bien dans l’extraction et le traitement des minerais uranifères (Cogéma) que dans l’armement pur en passant par le nucléaire civil (Framatome, Technicatome,…), la fabrication de semi-conducteurs et de connecteurs (ST Microelectronics) et des activités de mesures et d’expertises (MVI Technologies, Cita,…). Moins connues, sont les activités de la subdivision « Oris-Industrie » qui exerce ses activités dans le domaine biomédical et commercialise notamment des produits radiopharmaceutiques, des générateurs de techténium, des trousses de premiers soins pour accidents nucléaires et divers produits pour diagnostics in vivo et in vitro. En 1999, les usines du groupe étaient implantées en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Irlande, en Allemagne, en Autriche, en Grèce, en Italie, en Espagne, en Suisse, en Suède, en Finlande, en république tchèque, à Malte, aux USA, au Canada, aux Antilles néerlandaises, en République dominicaine, au Mexique, au Brésil, en Afrique du Sud, au Maroc, au Niger, au Gabon, en Australie, en Inde, au Japon, en Corée du Sud, à Singapour, en Malaisie, à Taiwan et même en Chine communiste. Ces données sont extraites du rapport annuel pour l’exercice 98.


Le CEA travaille en étroite association avec la Délégation Générale à l’Armement (DGA) et constitue, avec le groupe EDF (qui est devenu lui-même un groupement complexe avec ses holdings et ses nombreuses filiales nationales et internationales), le plus important lobby militaro-industriel d’Europe.

Ces groupes et sous-groupes sont gérés selon les principes de l’économie de marché, autrement dit du capitalisme et du libéralisme. Ils ne conservent une apparence de groupes publics (parfois même de « service public », comme EDF) que pour mieux leurrer les citoyens et leurs représentants politiques.

Dans son ouvrage relatif à la programmation militaire pour les années 1990-1993, le président de la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale française (*) écrivait que : « …La perspective d’armes à énergie dirigée ou placées en orbite autour de notre planète, sans être abandonnée est toutefois reportée… ». Il évoquait également les projets de révision du traité START d’octobre 1988 à propos, précisément, des armes à laser ou à faisceau électromagnétique. A la page 22 de son livre, il admettait par ailleurs qu’il existait de nombreuses technologies civiles qui pouvaient être utilisées à des fins militaires.

Si la France, pour des motifs budgétaires et en raison de certaines priorités (porte-avion De Gaulle, programme Rafale,…), avait officiellement suspendu ses recherches dans le domaine des armes à énergie dirigée vers la fin des années 80, il n’en demeure pas moins que, par le biais des grands groupes industriels, publics ou privés, les programmes de base ont été maintenus. Et depuis le milieu des années 90, le centre de Gramat a accru ses activités sous couvert du programme « Hyperion ». J’ai même démontré, dans une étude récente (**), que le projet d’implantation, par EDF, d’une ligne électrique aérienne à 225 kV (entre la centrale nucléaire de Golfech et un nouveau poste à créer à la périphérie de Cahors) était vraisemblablement motivé par la volonté secrète de renforcer l’approvisionnement en énergie du CEG, via une ligne à haute tension qui relierait le nouveau poste de Cahors au poste de Gramat (en passant par Labastide-Murat).

Le lobby militaro-industriel français est donc partie prenante dans la course aux armements qui devrait déboucher, d’ici très peu de temps, sur la mise en service d’armes électromagnétiques, notamment dans le cadre de la « défense antimissile ». Et si certains dirigeants européens se sont récemment élevés contre la volonté

américaine de relance du programme IDS-NMD (programme antimissile des USA improprement nommé « guerre des étoiles »), il ne s’agit là que de pures gesticu-lations politiques, de banales manœuvres démagogiques.


(*) Il s’agit de Jean-Michel BOUCHERON, député socialiste d’Ille-et-Vilaine (Rennes) que l’on évitera de confondre avec un autre Jean-Michel Boucheron qui fut, lui-aussi, député socialiste (et maire d’Angoulême) avant de poursuivre sa carrière comme pensionnaire des prisons françaises.


(**) Cette étude, commanditée par le Conseil-Général du Tarn-et-Garonne, les collectivités de communes de Montaigu-de-Quercy et de Montcuq (département du Lot), le syndicat de défense des vins AOC Cahors et l’association Quercy-Blanc-Environnement, constitue une analyse critique du projet qu’EDF tente d’imposer depuis 1990 malgré la très vive opposition des citoyens et des élus concernés. L’obstination de l’entreprise publique à construire cette ligne aérienne THT ne peut guère se justifier par les seuls besoins de l’agglomération de Cahors et il m’a donc fallut chercher la motivation cachée, laquelle semble bien être l’accroissement des besoins en énergie du CEG, à 40 km de Cahors.

On peut consulter mon rapport d’expertise sur Internet ( www.multimania.com/chafar/tht ).

En 1992, j’avais déjà été confronté à un problème identique à propos d’une ligne THT/225 kV dont la construction était contestée par deux communes de Gironde (Le Barp et Mios) ainsi que par la direction du parc régional des Landes de Gascogne. Alors qu’EDF tentait désespérément de justifier son projet par les prétendus besoins de la ville d’Arcachon, il était apparu que le client véritable n’était autre que le Centre des Essais d’Aquitaine. Implanté à la périphérie de la petite ville du Barp, il avait été choisi pour recevoir le laser « mégajoule » destiné, entre autres, à la simulation des tirs nucléaires.

Le problème, avec les instances publiques et les grandes entreprises françaises, c’est qu’il n’est jamais possible d’en obtenir des explications sérieuses et honnêtes, surtout à partir du moment où les militaires se trouvent impliqués, directement ou indirectement, dans un projet quelconque.

Et même lorsque les dirigeants politiques, administratifs ou industriels sont pris en flagrant délit de désinformation et de manipulation, ils persistent dans leur attitude anti-démocratique en mentant de plus belle ou en refusant de s’expliquer. Les relations plus qu’équivoques qu’EDF entretient avec le CEA, donc avec les militaires, ont souvent contribué à « brouiller les cartes » et à couvrir des manœuvres peu orthodoxes et parfois mêmes illicites.

couverture de la première édition (1981) du rapport

Reproduction de la couverture de la première édition (1981) du rapport général de l’Association pour l’Utilisation Rationnelle des Ondes Radio-Electriques (A.U.R.O.R.E.) sur la nocivité des rayonnements non ionisants. C’est ce document qui alertera les autorités politiques belges et permettra l’adoption de la loi-cadre du 12 juillet 1985 relative à la protection de l’homme et de l’environnement contre les effets nocifs des radiations non ionisantes, des infrasons et des ultrasons ( loi découlant du projet de loi et de règlement proposé dès 1983 par la présidence de l’A.U.R.O.R.E., voir annexe 1). Réactualisé jusqu’en 1989, il ne présente plus aujourd’hui qu’un intérêt historique.

En réalité, les grands lobbies, et les partis politiques qui les soutiennent, (ceux de gauche comme ceux de droite) sont très heureux de voir en G.W. Bush Jr l’homme qui est censé « redynamiser les affaires » de chaque côté de l’Atlantique.

J’en tiens pour preuve les décisions qui ont été prises, dès le mois de juin 2000 (donc bien avant l’élection présidentielle américaine), par le Sénat français, lequel, sur la base d’un rapport élaboré par les commissions parlementaires des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a plaidé pour que la France poursuive ses efforts de développement des technologies à mettre en œuvre dans le contexte des armements antibalistiques (*).

Le rapporteur, Xavier de Villepin (Union centriste) a, par ailleurs, bien insisté sur le fait que cette relance de la course aux armements devait permettre à la France de maintenir intacte sa capacité militaire, mais aussi industrielle. Ce qui laisse nettement entendre que les puissants lobbies de l’armement, de l’électronique, des télécommunications et de l’espace ne sont pas étrangers aux conclusions dudit rapporteur. Et si les militaires français parlent d’une évolution antimissile du missile Aster, il faut savoir que les missiles antimissile sont d’ores et déjà considérés comme obsolètes (voir plus loin), les armements « de pointe » dans ce domaine étant les lasers de puissance et les armes MO, autrement dit les armes à énergie dirigée.

La présente étude devrait permettre aux citoyens et aux décideurs publics de se faire une idée plus précise de ce que sont les effets biologiques des ondes électromagnétiques non ionisantes mais aussi de ce que sont les armes dites « du IIIe millénaire », des enjeux qu’elle recouvrent et des graves problèmes qu’elles soulèvent.


Du téléphone portable de monsieur-tout-le-monde aux bombes à micro-ondes en passant par les radars et autres applications des transmissions hertziennes ou encore par les lasers-masers, nous allons parcourir l’univers inquiétant, et encore mal connu, des applications civiles et militaires des rayonements électromagnétiques non ionisants. Nous allons essayer d’en savoir plus à propos des « ondes qui tuent ». Deux chapitres abordent, par ailleurs, la problématique des armes à particules et des armes à infrasons qui appartiennent également à la famille des armes à énergie dirigée.

(*) Dans les milieux industriels et militaires, on évoque parfois la « DAME », autrement dit la « Défense Anti Missiles Européenne ». Une « drôle de dame », en l’occurrence !

laboratoire de métrologie de l’usine Mécar de Peti-Roeulx-lez-Nivelles

Ci-contre, une vue partielle du laboratoire de métrologie de l’usine Mécar de Peti-Roeulx-lez-Nivelles où l’auteur a entamé la première partie de sa carrière professionnelle. On remarque les bancs de mesure de fabrication suisse autorisant des mesures de l’ordre du demi-micron. Au fond, le bac de mise à température des pièces à mesurer.

Le laboratoire utilisait aussi des projecteurs de profil ainsi que tous les appareillages classiques de métrologie (comparateurs, micromètres, cales étalonnées, etc…).

La Sté Anonyme belge de Mécanique et d’Armement (SA Mécar), apparentée au groupe Oerlikon, était spécialisée dans la fabrication d’outillages de haute précision et d’armes antichar (grenades, roquettes, obus, matériel de tir et munitions diverses).

L’auteur


L’auteur photographié peu de temps après son admission au centre de formation du service administratif de l’armée belge (caserne général Baron Dossin de St Georges à Malines). On remarque, sur la manche gauche de son battle-dress, l’insigne distinctif des unités de missiles sol-air de la Force aérienne. La photo a été prise sur le stand de tir d’une fête foraine.

Contrairement aux antimilitaristes primaires qui prônaient l’objection de conscience, Daniel Depris estimait qu’il fallait, tout au contraire, profiter de l’opportunité du service national pour se familiariser avec la mentalité militaire, les systèmes d’armes, la stratégie et la tactique. Il a d’ailleurs toujours prôné le principe selon lequel on ne peut combattre valablement un adversaire quelconque que si on le connaît parfaitement.

C’est pour cette raison qu’il avait entamé sa carrière professionnelle dans le secteur de l’armement.

Grâce à sa double formation professionnelle et militaire, il deviendra un excellent spécia-liste des missiles, des radars et de la radio-protection.

missile Nike Hercules de la Force aérienne belge sur sa rampe de lance-ment


Ci-contre, un missile Nike Hercules de la Force aérienne belge sur sa rampe de lance-ment (launcher). Contrairement aux engins qui étaient parfois présentés dans des meetings ou lors de parades militaires - et qui portaient les cocardes belges - les missiles opérationnels, dotés d’une ogive nucléaire, ne portaient aucun signe distinctif.

Cette photo a été prise au cours de l’hiver 65-66, au nez et à la barbe des gardes améri-cains qui étaient chargés de surveiller leurs collègues belges.

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