- Le "Canard enchaîné"
mercredi 24 mai 2000
- Le "Satiricon"
Juillet 2000
- Le "Satiricon"
Octobre 1997
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Un corbeau sur les lignes EDF
DANIEL DEPRIS, expert en énergie et bête noire d'EDF, rendra fin mai un rapport financé par le conseil général de Tam-et-Garonne sur l'édification d'une ligne très haute tension (225 000 volts) dans le Quercy.
Ce spécialiste, qui a déjà fait reculer EDF une dizaine de fois, aurait dû s'atteler à ce rapport en 1997. Mais, quelques jours avant qu'il prenne l'affaire en main, un fonctionnaire du ministère de l'Industrie convoque un conseiller régional Vert pour lui remettre un document qui ressemble à un « blanc » des RG. Daniel Depris y est présenté comme ayant été entendu par la justice belge entre autres pour « escroquéries, faux et usage de faux (...), coups et blessures volontaires, dégradation volontaire » menace avec armes ». Mieux : en Belgique, il est, paraît-il, « considéré comme un escroc ». De quoi a priori refroidir les ardeurs de ses clients écolos.
Mais ceux-ci ont aussitôt pensé qu'un homme faisant l'objet de telles accusations de la part du lobby électronucléaire ne pouvait être foncièrement mauvais. Le résultat de l'enquête menée par les écolos est confondant : les RG ont démenti être à l'origine de ce « blanc », et les accusations qu'il contient apparaissent comme de la pure fiction.
Trois ans après les faits, le fonctionnaire qui a remis cette note à l'élu Vert bégaie : « Je ne me souviens plus de quelle provenance c'était... En tout cas, ce n'est pas un document que j'ai écrit. » Ben voyons !
C'est la watt qu'on préfère
A EdF, le bon marché est hors Depris
Pour éviter qu'un expert indépendant fourre son nez dans les affaires d'EdF, un représentant du ministère de l'Industrie n'a pas hésité, en 1997, à faire circuler un faux document des renseignements généraux. Pas très sportif, mais efficace.
Dans le lot, voilà dix ans qu'EdF, avec l'aide de la Direction Régionale de la Recherche, de l'Industrie et de l'Environnement (Drire) Midi-Pyrénées, tente d'imposer un projet de ligne Très Haute Tension (THT) de 225 000 volts, pour relier Golfech à Cahors. Sans résultat. La contestation est tenace,
En 1997, les opposants décident de faire appel à un expert indépendant pour réfuter les affirmations d'EdF. L'homme s'appelle Daniel Depris. Fort connu d'EdF, il leur a déjà fait rater une dizaine de dossiers en dix ans (voir Satiricon n°19).
Au printemps 1997, le chef de service de la Drire, Henri Pinatel, fait venir dans son bureau un des leaders de la contestation qui était à l'époque élu Vert du Conseil Régional. En aparté, le représentant de la DRIRE lui glisse une note sensée provenir des renseignements généraux (RG). et concernant Daniel Depris. Accablante. L'expert y apparaît comme « très défavorablement connu des services de police dans son pays. Qui, en plus, accumule » les procédures judiciaires a son encontre.Il a été notamment entendu pour calomnies, escroqueries. faux et usage de faux, vol de cartes d'identités, insultes, émission de chèques sans provisions (plusieurs fois), coups et blessures volontaires, dégradation volontaire, menace avec arme ». La fin est tout aussi palpitante : « Connu de longue date des autorités judiciaires de son pays, Daniel Depris est considéré comme un escroc, un mythomane et un individu agressif qui s'en prend régulièrement aux autorités en place».
Cette note a-t-elle circulé? Quoi qu'il en soit, Depris n'a pas pu faire son expertise.
Aujourd'hui, Henri Pinatel n'est plus à la Drire. Et dès qu'il aborde cette histoire, il a des trous de mémoire : « J'ai effectivement eu des documents sur Daniel Depris, qui provenaient de... je ne me souviens plus de quelle provenance c'était. Concernant la remise de cette note. euh... en tout cas. ce n'est pas un document que j'ai écnt.» Mais d'après lui, il reste « possible » que les RG soient derriére tout ça.
« M. Depris est évidemment connu de nos services, en raison de l'intérêt qu'il porte à l'écoiogie. Mais ce papier n'est jamais parti de chez nous », affirme un inspecteur des RG.
L'extrait du casier judiciaire du dangereux expert atteste la version des RG. Daniel Depris a été condamné. Certes. En 1981 pour défaut de contrôle technique de véhicule, en 1987 pour un délit de presse et en 1988, pour un chèque sans provision. C'est tout.
Le Conseiller régional Vert qui s'est vu remettre cette note, l'admet : «c'est clair, cela provient d'EDF. » Évident. L'ancien chef de service de la Drire, Henri Pinatel, n'a jamais caché son total dévouement pour l'entreprise publique. En avril 1996. à une réunion de concertation, il militait pour accréditer la construction de la THT, en réclamant « la mise en service de cette ligne (...) en 2001 » et « son doublement à l'horizon 2020-2030. » Mais depuis avril dernier, le Conseil général du Tarn-et-Garonne et une association d'opposants, ont enfin réussi à confier l'expertise à Daniel Depris dans le Lot. Il devrait rendre ses conclusions au début de l'été sur ce projet de THT. Bonne nouvelle. Le débat risque enfin de démarrer.
Olaf TEURSHEV
EDF enterre ses câbles à prix d'or
EDF prévoit d'investir 62,7 MF pour construire un transformateur à St-Cyprien et enterrer une ligne électrique sous le très décrié boulevard Wagner. Un équipement surdimensionné et surfacturé, estime un expert. Le procureur de la République a été saisi de l'affaire.
CA S'EXCITE À SAINT CYPRIEN!
De Purpan jusqu'à la Garonne, le quartier change de physionomie avec l'arrivée programmée de nouveaux équipements comme le Zénith ou le futur musée des Abattoirs. Cette urbanisation à marche forcée s'accompagne du percement de nouvelles voies de communication, comme le très contesté boulevard Wagner. Mais une autre artère, plus discrète, risque de faire du barouf : la ligne électrique de 90 000 volts que EDF a prévue de construire pour alimenter le nouveau transfornateur haute-tension chargé d'alimenter tout ce secteur en pleine mutation L'enquête publique a été menée en catimini dans la moiteur du mois de juillet Pour ne pas défigurer ce nouveau paysage urbain comme une vulgaire vallée pyrénéenne, EDF a prévu d'enterrer ses câbles sous le boulevard Wagner Ni vu ni connu, tout le monde aurait pu applaudir à tant d'exquise urbanité Mais un expert de ces routes électriques a eu la curiosité d'aller mettre son nez dans les documents consultables au cours de l'enquête, réputée publique Et il a exhume un « os »dans un gisement de rapports incompréhensibles par le commun des mortels Le décryptage de ces hiéroglyphes technico-economiques révèle, en vrac, un transformateur haut de trois étages, planté au beau milieu d'une future résidence, et une tranchée déjà a moitié réalisée mais dont le prix serait 4 fois plus élevé que la normale.
La tranchée creuse le trou
Le 27 jum dernier, une semaine après l'ouverture de l'enquête d'utilité publique, notre Champollion des écrits « édéefiformes »alerte une première fois le procureur de la République : les travaux prévus pour la tranchée seraient entâches de « surfacturation dans des proportions qui sont loin d'être négligeables ». Alors qu'EDF prévoit 22,7 MF, l'expert soutient que les travaux annoncés ne devraient pas excéder 12 MF. Il y aurait donc un trou dans le trou de plus de 10 MF. Une paille!
Pour répondre à ces interrogations soupçonneuses, on fournit alors à ce vilain délateur, décrit par EDF comme un maniaque de la calculette, des documents complémentaires censés lui prouver qu'il s'est lamentablement planté dans ses additions. Au lieu de cela, ses craintes se renforcent quand il s'aperçoit que la tranchée de 4 km, entre les Sept Deniers et le futur transfo de l'avenue Jean Brunhes, est déjà réalisée pour moitié. Il ne reste plus que 1,3 km à creuser, sous le futur grand boulevard Wagner. Les coûts devraient en toute logique être réduits d'autant. D'un coup, le trou s'est donc creusé 4 fois plus profondément que nécessaire ! C'est ce que notre expert obstiné a tenu à signaler au préfet, à la fin de l'enquête publique « Nous persistons à affirmer que les chiffres fournis par EDF font l'objet de manipulations et que l'ouvrage considéré pourrait être réalisé avec un budget de l'ordre de 6 MF », écnt-il le 24 septembre dernier au représentant de l'État. Entre temps, l'enquête suit son cours. Un policier a été chargé d'auditionner le plaignant, pour s'initier aux délices des coûts comparés des câbles en alu ou en cuivre, et des techniques de génie civil en milieu urbain de coefficient l ou 2. On lui souhaite bien du courage.
La bête noire d'EDF
Le commissaire-enquêteur, Paul Boudin, a pour sa part été obligé de consigner ces accusations dans son rapport Cet ingénieur retraité laisse entendre que la Commission de Contrôle des Marchés d'EDF « pourra être appelée à donner son avis »et se veut rassurant en rappelant que « le coût réel ne sera connu qu'après consultation des entreprises » Nul besoin de sortir de Polytechnique pour comprendre qu'il est en effet difficile de parler de « surfacturation » »tant qu'il n'y pas eu de factures.
« Il répète comme un perroquet l'argumentaire que lui a dicté EDF » s'indigne Daniel Depris, l'expert indépendant qui se méfie de ces ingénieurs chargés de contrôler le travail de collègues issus du même corps.
Ce langage fort peu diplomatique détonne dans l'habituel charabia policé des rapports d'experts. Il dénote l'engagement militant de M Depris, devenu la « bête noire »d'EDF, à Toulouse et dans toute la France. Ce citoyen belge se vante d'être l'auteur d'une loi-cadre votée dans son pays d'origine, relative à « la protection de l'homme et de son environnement contre les effets nocifs des radiations non-ionisantes, des infra sons et des ultra sons ».
En clair, cet homme craint que la haute-tension provoque des maladies En France, la question est tabou Pour EDF, c'est un discours « d'illuminé »Mais les questions de cet « illuminé »nous éclairent cependant sur de bien obscures pratiques.
Alban DERILLE
